Adultes vivant chez leurs parents: la galère des « sous couverts »

​Les péripéties de la vie obligent bien des individus d’âge mûr à vivre sous le toit de leurs parents. Ce qui les livre quelquefois aux incommodités de la dépendance.
Adultes vivant chez leurs parents: la galère des « sous couverts »
À 46 ans, Mamadou Alioune Sow est le préposé à la sécurité dans une compagnie privée spécialisée dans la poissonnerie. Après la garde de la journée du vendredi, le colosse, cigarette coincée entre les doigts, se détend sur une chaise en plastique posée devant une maison, toiture en ardoise, faisant face à la gare de péage de Thiaroye. C’est dans cette cour qu’il a vu le jour et il y vit toujours avec sa vieille mère, ses frères, sœurs et neveux ; une bonne assemblée dans une demeure à cinq chambres. En attendant d’avoir son propre toit que le bonhomme n’espère presque plus, il est obligé de vivre à l’étroit dans la maison familiale, sans disposer « des moyens de prendre en charge la dépense quotidienne ». « À mon âge, j’aurais préféré vivre dans ma propre maison, ne compter sur personne, assurer moi-même les dépenses. Ce n’est pas possible pour le moment. Je me contente de cette situation, à côté des parents, en attendant de trouver mieux », confie-t-il, un tantinet résigné. Même s’il est gêné par le cours des choses, Mamadou Alioune dit s’adapter en cultivant la cohésion et un esprit de dépassement. « On ne peut pas avoir beaucoup d’exigences en vivant dans une famille sous couvert de ses parents. J’essaie autant que possible de ne pas critiquer les plats concoctés par les femmes ou d’en commander », indique-t-il, le propos sérieux, éventail à la main, serviette suspendue à l’épaule.

Habitant à Guinaw Rails, Mandiaye Mbengue joue aux cartes avec des amis en ce début de soirée du samedi 7 novembre, à côté de l’arrêt bus de la ligne 73. En jean et tee-shirt blanc, cet homme de 37 ans vit avec son unique fils dans la maison de ses parents, à côté d’une sœur, de deux frères et de quelques neveux. Depuis la perte de son emploi dans une sucrerie en 2010, c’est la dèche. Il est parfois obligé de « fuir la maison toute une journée ». « Quand j’avais les moyens, je dépensais sans compter. Les choses ont changé et je n’ai plus cette indépendance économique. Ainsi, mon fils et moi sommes parfois obligés de compter sur les parents et les autres. C’est déplaisant. Cependant, je ne suis pas resté les bras croisés. J’ai sollicité plusieurs usines pour travailler même en tant que journalier, mais en vain », raconte M. Mbengue, saisi d’émotion, avant de retourner auprès de son cercle d’amis.

« Je n’ose pas critiquer les mets des femmes »

Le sort de Fatou Mbaye n’est guère plus enviable. Depuis son divorce en 2013, la quinquagénaire vit sous le toit de ses parents à Tivaouane Lansar, avec ses deux fils âgés de 17 et 13 ans. Sa situation devient de plus en plus « insupportable ». Déboussolée, elle convoque la fatalité pour atténuer son mal-être. « Cette situation m’incommode. J’aurais aimé être dans mon foyer, à côté du père de mes enfants, au lieu de vivre dans une chambre étroite et inconfortable », gémit Fatou, assise au milieu de son lit, en face de son téléviseur.

Mère de Mamadou Alioune, Coumba Ba a presque 70 ans. Sa philosophie de vie est simple : « C’est Dieu qui fait, défait et décrète ». S’y fondant, elle n’en veut point à son fils de 40 ou 50 ans de vivre sous son toit. « Ça ne me dérange pas. S’il n’a pas les moyens, il peut bien vivre chez ses parents qui, avec la pension de retraite, peuvent même participer à l’entretien de la maison ou au paiement des factures. Dieu en a décidé ainsi », assure-t-elle. Propriétaire d’une maison et père de famille, Abdoulaye Mbaye abonde dans le même sens. L’une de ses filles, qui a quitté le domicile conjugal depuis quelques années, vit chez lui. Rien d’anormal selon lui. « Le problème, ce n’est pas les parents. Nous avons l’habitude d’héberger des proches venus du monde rural. Cela ne nous pose aucun problème même si nous aurions préféré qu’elle s’épanouisse aux côtés de son époux », soutient M. Mbaye, étalé sur un pliant, le corps couvert d’un boubou traditionnel gris.

Chamailles entre femmes

Les tensions sont monnaie courante. La plupart du temps, les disputes sont déclenchées par les enfants ou des remarques désobligeantes. Fatou Mbaye raconte les durs moments vécus. « Un jour, j’ai failli me battre avec une belle-sœur qui me reprochait de ne jamais nettoyer les toilettes. La dame ne ratait jamais l’occasion de me rappeler les actes de générosité de son mari envers mes enfants et moi. Au début, la cohabitation était très compliquée », se souvient-elle amère. Pour Mamadou Alioune Sow, ce sont les femmes, friandes de détails, qui entretiennent la chamaille. « Elles se disputent pour des vétilles et installent une ambiance hostile. Les hommes sont moins concernés par ces conflits. J’évite autant que possible d’en être otage. Je ne réponds jamais à la provocation », lâche-t-il, l’air dépité. Mandiaye Mbengue, qui se sent « plus à l’aise auprès de ses amis à jouer aux cartes », embouche la même trompette. Les fréquentes disputes au sein de la famille l’incommodent ; elles compromettent l’harmonie.











Le Soleil



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