On en sait un peu plus sur les motivations de la Cour de justice de la Cedeao qui ordonne à l’Etat du Sénégal de supprimer le parrainage citoyen et de rétablir les formations politiques et les citoyens dans leurs droits. L’arrêt met en cause la violation du droit de libre participation aux élections, la violation du secret de vote, entre autres. Elle s’appuie sur la jurisprudence burkinabè et sur les instruments juridiques internationaux en la matière.
La décision de la Cour de justice de la Cedeao ordonnant l’abrogation de la loi n°2018-22 du 04 février 2018 instituant le parrainage au Sénégal ne refera pas l’élection présidentielle de 2019, mais elle met du sable dans le couscous de la réélection de Macky Sall. Il faut rappeler que les audiences de la juridiction communautaire avaient été suspendues depuis mi-2020 à cause du Covid-19 qui faisait des ravages particulièrement au Nigeria, mais aussi parce que les frontières aériennes étaient fermées. D’ailleurs, Le Quotidien a appris que la séance de ce mercredi 28 avril à Abuja s’est déroulée par visioconférence. Il convient d’abord de souligner que la Cour de justice de la Cedeao a d’abord rejeté deux points du recours introduit par Me Abdoulaye Tine, en sa qualité de leader de l’Union sociale et libérale (Usl). Dans son arrêt, la Cour estime, contrairement au requérant, que la loi «n’a pas un caractère discriminatoire» et «ne viole pas le statut des partis politiques». En revanche, elle considère que «le code électoral sénégalais, tel que modifié par la loi n°2018-22 du 04 février 2018, viole le droit de libre participation aux élections». Par conséquent, elle ordonne à l’Etat du Sénégal de «lever tous les obstacles à une libre participation aux élections consécutifs à cette modification par la suppression du système du parrainage électoral» et «lui impartit un délai de six (6) mois, à compter de la notification qui lui en sera faite, pour soumettre à la Cour un rapport concernant l’exécution de la présente décision».
«Les formations politiques et les citoyens doivent être rétablis dans leurs droits»
Dans ses motivations, la juridiction communautaire fait appel aux instruments juridiques internationaux qui prévoient le «droit de participer librement aux élections». Elle cite, entre autres, le Protocole sur la démocratie et la bonne gouvernance adopté en 2001 par la Cedeao, la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance, la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966 adopté dans le cadre des Nations unies et la Déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948. La Cour estime qu’au regard de tous ces textes qui ont été ratifiés par l’Etat du Sénégal, «la loi n°2018-22 du 04 février 2018 querellée comporte des dispositions qui constituent de véritables entraves au droit de participer librement aux élections». En effet, explique le juge communautaire, cette loi sur le parrainage «viole le secret de vote en obligeant les électeurs à déclarer à l’avance à quel candidat ils ont l’intention d’accorder leur suffrage puisqu’un électeur ne peut parrainer qu’une seule candidature». Mieux, elle comporte «d’énormes risques pour les électeurs qui accordent leur parrainage à un candidat dans la mesure où cet acte présume leur intention d’accorder leur suffrage à ce candidat». A toutes ces «violations», la Cour demande des corrections. «Les formations politiques et les citoyens du Sénégal qui ne peuvent se présenter aux élections du fait de la modification de la loi électorale par la loi n°2018-22 du 04 février 2018, doivent être rétablis dans leurs droits par la suppression du système de parrainage qui constitue un véritable obstacle à la liberté et au secret de l’exercice du droit de vote d’une part et une sérieuse atteinte au droit de participer aux élections en tant que candidat d’autre part», lit-on dans l’arrêt.
Jurisprudence du Burkina
La Cour de justice de la Cedeao a également fait recours à une jurisprudence dans un Etat ouest-africain. Il s’agit de l’affaire Congrès pour la démocratie et le progrès (Cdp) contre l’Etat du Burkina Faso du 13 juillet 2015. Elle avait à l’époque jugé que le «code électoral du Burkina Faso, tel que modifié par la loi n°005-2015/CNT du 07 avril 2015, est une violation du droit de libre participation aux élections» et avait, en conséquence, ordonné à l’Etat du Burkina, comme dans le cas du Sénégal aujourd’hui, de «lever tous les obstacles à une participation aux élections consécutifs à cette modification». Le Conseil national de transition (Cnt), qui avait pris le pouvoir en 2014 après le départ de Blaise Compaoré, avait, en fait, décidé d’exclure les soutiens de l’ancien régime des compétitions électorales pour avoir été complices des modifications constitutionnelles. Cette cour dans laquelle avait siégé le professeur Alioune Sall, aujourd’hui membre de la Commission politique du dialogue national, avait estimé qu’«interdire de candidature toute organisation ou personne ayant été politiquement proche du régime défait mais n’ayant commis aucune infraction particulière, revient à instituer une sorte de délit d’opinion qui est évidemment inacceptable».
Par Hamath KANE – hamath@lequotidien.sn
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