Les Sénégalais ne sont quand même pas tous des incultes ou des ignares. Ils sont nombreux, ceux qui en savent un brin sur la monnaie, en particulier sur cette monnaie locale qui défraie la chronique.
Ceux-là conviennent certes qu’une monnaie complémentaire peut aider à la relance d’une économie locale, en orientant la consommation des ménages vers des secteurs à valoriser et augmentant le volume des transactions commerciales intra-régionales.
Mais faut-il qu’il n’y ait pas d’intentions irrédentistes derrière, qu’elle soit acceptée par une masse critique d’acteurs économiques, qu’elle ne soit pas le fruit d’un recours abusif à la planche à billets, qu’elle ne soit pas contrefaite, qu’elle ne serve pas de viatique à du blanchiment d’argent sale.
Le rappel de ces conditions ne devrait pas être pris pour une attaque politique contre quiconque, mais juste un appel à la prudence en cette matière particulièrement sensible.
D’ailleurs, ces conditions sont nécessaires, mais pas suffisantes, pour l’émission et la mise en circulation d’une monnaie locale, complémentaire ou autre. Aux Etats-Unis et en Europe, les monnaies locales sont encadrées et contrôlées. En France, il est notamment interdit de rendre des euros sur des achats faits avec une monnaie locale !
Au Sénégal et dans l’espace Uemoa précisément, seuls les Etats ont le droit souverain de battre monnaie. Et ce droit, ils l’ont délégué à leur banque centrale. Ainsi que stipulé : «Le pouvoir exclusif d’émission des billets et pièces de monnaie dans les huit Etats membres de l’Umoa, est confié à la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest.»
Tant que cette disposition restera de rigueur, au Sénégal, une organisation, une association ou même une collectivité locale ne pourra émettre de monnaie, de quelque nature que ce soit.
Il est par ailleurs utile de rappeler que Ousmane Sonko n’est pas le premier à avoir émis l’idée d’une monnaie locale pour la Casamance. Le Dr Ousmane Sarr s’y était déjà essayé, avec la création de la Société fiduciaire d’appui au développement local (Sofadel), en 2013. Il avait entamé ses activités, l’année suivante, par le recrutement de 3000 personnes pour le placement en Casamance de ses produits financiers et du Sen (XALIS), la monnaie locale qu’il comptait mettre en circulation.
Le projet avait été stoppé net, début 2015, par l’Etat du Sénégal et la Bceao. Les agents les plus en vue avaient été interpellés et arrêtés à Ziguinchor…
L’idée est sans doute bonne. Mais, il faudra que la réglementation change pour qu’elle puisse prospérer. Un jour, peut-être…
Amadou FALL
Journaliste économique
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