Bonnes feuilles – Publication de l’ouvrage Hydrodiplomatie : Mankeur, Fodé Seck et Pierre Faye se jettent à l’eau

Le 9ème Forum mondial de l’eau, qui prend fin ce samedi à Dakar, montre la dimension géostratégique de cette ressource. Mus par le souci de témoigner pour la postérité la contribution remarquable qui fut celle du Sénégal sur l’un des enjeux géostratégiques les plus importants de l’heure et les plus cruciaux de demain, c’est-à-dire l’eau, trois diplomates sénégalais se sont engagés à revisiter ensemble, par le médium d’un ouvrage collectif, une phase récente mais fort importante de la diplomatie sénégalaise : la promotion, devant le Conseil de sécurité des Nations unies, organe principal chargé du maintien de la paix et de la sécurité internationales, de l’initiative Eau-Paix-Sécurité conçue et portée résolument par le Président Macky Sall.
Ces trois co-auteurs, tous diplomates de formation, qui réservent la primeur sur le titre de leur ouvrage, sont le ministre des Affaires étrangères et des Sénégalais de l’extérieur, d’alors, Monsieur Mankeur Ndiaye, l’ambassadeur Fodé Seck, représentant permanent du Sénégal auprès des Nations unies, de l’époque, et chef de la délégation sénégalaise accréditée auprès du Conseil de sécurité, et l’ambassadeur Pierre Faye, coordonnateur politique de ladite délégation, assistés du journaliste Dame Babou, conseiller en communication de la Mission permanente du Sénégal durant la période considérée.
Il appert, en effet, des annales onusiennes que lors de son troisième passage comme membre élu, donc non permanent du Conseil de sécurité de l’Onu pour la période biennale 2016/2017, sous magistère du Président Macky Sall, le Sénégal a réalisé une véritable prouesse diplomatique en réussissant à introduire dans l’agenda quasi immuable de cet organe réputé conservateur et rétif aux défis sécuritaires émergents, une problématique nouvelle de paix et sécurité.

Les bonnes feuilles
Introduire la question de l’eau sur la table du Conseil de sécurité des Nations unies était l’une des missions dévolues à la délégation sénégalaise accréditée auprès de cet auguste organe, s’il n’en était pas la priorité.
Le rôle et l’expérience du Sénégal dans la sous-région et le leadership du président de la République sur cette question propulsent ce pays comme l’un des mieux placés pour amener la communauté internationale à porter un regard attentif sur l’un des défis structurels qui allait l’interpeller durant les années, voire décennies à venir. Ainsi, du troisième passage de notre pays au Conseil de sécurité, les observateurs pourraient ne retenir que les acquis enregistrés dans la mobilisation de la communauté des nations autour de la problématique des ressources en eaux transfrontalières. C’est dire qu’il s’agissait d’une étape qui allait symboliser notre troisième mandat dans cet important cénacle chargé du maintien de la paix et de la sécurité internationales. Mais importe-t-il de souligner qu’amener le Conseil de sécurité à examiner les défis que pose la problématique de l’eau était en soi un défi. Jamais dans l’histoire de cet organe, cette initiative n’a été proposée par un de ses membres. Et pourtant, les différends ou conflits résultant ou impliquant l’accès aux ressources hydriques sont connus notamment du système des Nations unies. Cette quasi-indifférence du Conseil de sécurité vis-à-vis de cette question s’explique pourtant aisément. Elle était liée, d’une part, à la sensibilité de cette problématique pour les Etats membres de l’organisation et, d’autre part, à la posture conservatrice de cet organe face aux défis sécuritaires émergents.
De la manière de l’aborder dépendait à la fois la suite qui lui serait accordée par la majorité des membres et l’impact qu’elle aurait sur la paix et la sécurité internationales. L’œuvre qui nous était demandée, exigeait donc le plus grand tact, une parfaite maîtrise des enjeux sur la scène internationale, un sens élevé de la mesure et un excellent niveau de coopération, sinon d’amitié et de fraternité à l’échelle des nations. Toutes choses qui ont de tout temps constitué l’épine dorsale de la diplomatie sénégalaise. En effet, cette approche rejoint la philosophie autour de laquelle était bâti notre passage au Conseil de sécurité des Nations unies : à savoir des positions intelligentes, mais assumées et exprimées, dans le cadre d’une posture empreinte de délicatesse et d’équilibre. De même, la question de l’approche était tout aussi importante que celle du timing.
A quel moment de notre mandat l’introduire ? Sous quel point de l’ordre du jour l’examiner ? A ces questions, les réponses sont vite trouvées. En effet, pour un membre du Conseil de sécurité des Nations unies, mais plus encore pour un membre élu, le moment le plus important de son mandat se trouve être sa présidence de cet organe. Or, le sort avait voulu que notre pays présida le Conseil en novembre 2016, soit neuf mois après son entrée. Neuf mois pour prendre la température, comprendre les dynamiques internes au sein du Conseil de sécurité, appréhender les intérêts stratégiques de chaque membre, surtout des grandes puissances, et ainsi nouer les alliances et instaurer les partenariats nécessaires pour faire avancer son agenda. C’était à la fois suffisant en termes de temps, mais peu au vu de la complexité de la question et de ce qu’elle représente pour les uns et les autres, bref pour la communauté internationale.
Et qui plus est, nous sommes entrés au Conseil de sécurité dans un contexte particulier, au moment où celui-ci était profondément divisé par les conflits en Syrie, en Libye, sans oublier le nucléaire nord-coréen, la crise ukrainienne mais aussi le processus de paix au Moyen-Orient.
Autant de questions qui renfermaient chacune des intérêts stratégiques des membres permanents. Chaque séance publique ou privée du Conseil était une opportunité manquée pour réduire les divergences de ses membres ; le secrétariat s’efforçant bon an mal an, dans ces circonstances, de jouer au conciliateur.
Ainsi le timing n’était pas favorable. Le Secrétaire général, Bank Ki Moon, était à la fin de son second mandat et la procédure pour lui trouver un successeur, déjà entamée. Ce contexte, fait de circonspection où tout était fait pour ne pas envenimer une situation déjà grave, n’était point le moment opportun pour le Conseil de sécurité d’oser sortir de son conservatisme et approcher de nouvelles idées, de nouveaux concepts. C’est pourtant le pari le plus que délicat que va tenter le Sénégal, convaincu de l’impérieuse nécessité, pour cet organe, de se préparer à faire face avec succès aux différends voire conflits relatifs à l’eau.
Ce conservatisme faisait partie des griefs portés contre le Conseil de sécurité et qui expliquait toute la détermination des membres de l’Assemblée générale, réunis au sein des négociations intergouvernementales sur la réforme de cet organe chargé du maintien de la paix mondiale.
L’objectif était de le rendre plus représentatif ou légitime dans sa composition, plus démocratique dans son fonctionnement et plus efficace dans son action. Membre du Comité des dix de l’Union africaine chargé de défendre et promouvoir la position commune africaine contenue dans le Consensus d’Ezulwini, le Sénégal s’était bien préparé et savait à l’avance les réticences de certains membres du Conseil de sécurité à accepter l’examen de menaces émergentes à la paix et à la sécurité internationales. Une fois ce contexte décrit, il convient de relever l’approche méthodique à travers laquelle l’initiative sénégalaise fut promue.

Le contexte international de la promotion de l’initiative Eau-Paix-Sécurité
Le Sénégal a entamé et exercé son troisième mandat au Conseil de sécurité au moment où celui-ci était profondément divisé. Coïncidant avec la fin du second mandat du Secrétaire général, Ban Ki Moon, la conduite de réformes laissant en rade la prévention des conflits mais aussi d’enlisement des négociations sur le barrage de la renaissance.
Pour mieux cerner les divisions au sein du conseil, il est important d’analyser l’évolution de divers dossiers.
D’abord, il y eut la guerre en Syrie marquée par le soutien décisif de la Russie au Président Bachar al-Assad, au double plan militaire et diplomatique face à une opposition armée que soutenaient les Occidentaux. Cette division était perceptible d’abord dans le cadre du processus politique, ensuite dans la gestion de la crise humanitaire et enfin s’agissant du démantèlement des installations d’armes chimiques… La médiation internationale conduite successivement par Messieurs Kofi Annan, Lakhdar Brahimi et Stefan de Mistura pour trouver une issue consensuelle ayant échoué à mettre fin au bourbier syrien…
Ensuite, il y a eu le conflit libyen qui servait presque de laboratoire d’idées à la guerre en Syrie, tant les deux théâtres d’opérations se ressemblaient, accentuant les sujets de discorde entre Occidentaux et Russes. Apparus tous les deux dans le cadre du printemps arabe, ils opposaient un régime à des groupes armés, chaque camp opérant avec le soutien ou la sympathie d’acteurs extérieurs, sur fond de lutte contre le terrorisme…
Parallèlement au Moyen-Orient, la Péninsule coréenne était également objet de divergences, en cause le programme nucléaire et balistique nord-coréen. En effet, si les Etats membres du conseil s’accordaient sur la nécessité d’une dénucléarisation de la Péninsule, ils divergeaient fondamentalement sur le recours aux sanctions comme moyen de pression ou de coercition à l’encontre de la Corée du Nord…
De même, la crise ukrainienne n’était pas en reste. La présence de l’Ukraine comme membre du Conseil de sécurité accentuait la sensibilité de ce dossier, rendu complexe par la position géostratégique de ce pays en Europe…
C’est dire la césure qui frappait le conseil à l’époque, une situation qui ne favorisait guère l’avènement d’une initiative dont l’adoption était loin de faire l’unanimité. En effet, il convient de souligner que ces profondes divergences entre grandes puissances avaient fini d’installer un climat de méfiance, surtout à l’endroit de propositions jouissant du soutien d’un camp.
Le contexte n’était pas non plus favorable en raison de la période de transition avec laquelle notre entrée au conseil coïncider. Le Secrétaire général, Ban Ki Moon, étant à la dernière année de son second mandat et les Nations unies s’apprêtant à lui choisir un successeur.
Cette période d’incertitude sur les prochaines orientations prioritaires de l’organisation incitait plus la prudence de la part des membres du conseil plutôt qu’à l’exploration d’une menace émergente quoique réelle sur la paix et la sécurité internationales.
Soulignons, à cet égard, que sur le choix du prochain Secrétaire général, les divergences ne manquaient point : d’aucuns insistaient sur le nécessaire respect du principe de la rotation géographique, préférée par la Russie qui favorisait le groupe de l’Europe de l’Est, seule région à n’avoir pas encore élu un Sg, d’autres comme les Occidentaux préférant l’ouverture des candidatures à toutes les régions au vu des défis qui interpellent l’organisation…
Ce moment était d’autant plus chargé pour notre pays que la décision finale de l’organisation était attendue vers la fin de l’année, coïncidant presque avec la présidence sénégalaise du conseil en novembre : moment que nous avions choisi pour lancer notre initiative.
Le contexte était également celui de réformes délibérément orientées vers les opérations de maintien de la paix et des mécanismes de consolidation de la paix ; laissant ainsi en rade le chantier ô combien sensible de la prévention des conflits. Ces réformes portaient sur le maintien et la consolidation de la paix.
Pour ce faire, deux importants rapports ont été produits et soumis à l’attention des Etats membres. Il s’agit du rapport du Groupe indépendant de haut niveau sur les opérations de paix et de celui produit par le Groupe consultatif d’experts chargé de l’examen du dispositif de consolidation de la paix. L’aggravation des conflits, en dépit des nombreux efforts des États et surtout des sacrifices consentis par les casques bleus, mais aussi leur résurgence, une fois résolus, attestaient à suffisance du besoin pressant de repenser ces divers mécanismes pour les adapter aux réalités changeantes du monde actuel et à venir.
Il importe de noter que si le concept de pérennisation de la paix introduit à la faveur de cette réforme du processus de consolidation de la paix, intégrait, en partie, l’objectif de prévention des conflits en ce sens qu’il permettait d’éviter une résurgence, il reste tout de même important de souligner qu’il concerne plus les pays sortant de conflit ou fragiles.
Cette approche était donc distincte de celle autour de laquelle était articulée l’initiative Eau-Paix-Sécurité, qui se voulait une contribution à la prévention des conflits. Cet objectif étant rendu difficile par les divergences entre, d’une part les membres attachés au respect du principe de non-intervention dans les affaires intérieures d’un État et, d’autre part les militants pour le respect des droits de l’Homme au nom de leur universalité…

Initiative Eau-Paix-Sécurité : causes de l’acuité de la question de l’eau
Il existe des facteurs qui contribuent à rendre aiguë la problématique des eaux transfrontalières dans le monde.
La note conceptuelle rédigée par la Délégation sénégalaise lors du débat public ministériel du Conseil de sécurité tenu le 22 novembre 2016, est assez éloquente à ce niveau. Elle précise que «l’eau potable représente 2% du volume total de l’eau dans le monde, mais 0,02% seulement est utilisable par les sociétés humaines», avant d’ajouter que «neuf pays se partagent 60% des réserves d’eau mondiales, à savoir le Brésil, le Canada, la Chine, la Colombie, les Etats-Unis d’Amérique, la Fédération de Russie, l’Inde, l’Indonésie et le Pérou».
Cette répartition inégale de l’eau est encore perceptible selon les régions, car «l’Asie, avec 61% de la population mondiale, dispose de 36% des ressources en eau, tandis que l’Europe, où vivent 12% des habitants de la planète, détient 8% de l’eau ; l’Amérique latine compte 6% de la population dans le monde et conserve 26% des réserves en eau».
A ces disparités dans la répartition des ressources en eau, s’ajoute la rareté de celles-ci. En effet, 1,7 milliard de personnes vivent en dessous du seuil de pénurie réelle d’eau potable fixé par les Nations unies, c’est à dire 1000 mètres cube par personne et par an. En 2050, ce nombre pourrait atteindre, selon les projections, 2,4 milliards …
Il importe aussi de relever dans le même sillage, l’augmentation exponentielle des besoins en eau à destination de l’agriculture mais aussi l’urbanisation galopante dans beaucoup de pays, avec ce que cela exige en termes d’énergie …
Or, les ressources en eau n’ont pas fini de ressentir leurs effets des changements climatiques. Le rétrécissement du lac Tchad, qui était de 25 000 km2 pour atteindre présentement 2500km2, est assez illustratif à cet égard …

Une expérience sous-régionale, source d’inspiration
Inspirée de l’expérience régionale du Sénégal, dans le cadre de l’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal (Omvs) et de l’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Gambie (Omvg), l’initiative Eau-Paix-Sécurité se veut une contribution à la résolution de nombreux différends autour des eaux transfrontalières. Elle vise à permettre au Conseil de sécurité des Nations unies de connaître ses différends avant qu’ils n’atteignent un seuil critique.
Créée le 11 mars 1972 à Nouakchott (Mauritanie), l’Omvs porte en elle le rêve et la vision de ses Pères fondateurs pour l’instauration d’un mécanisme empreint de solidarité et d’équité pour l’exploitation de ces eaux transfrontalières …
L’objectif reste donc d’amener le Conseil de sécurité à adopter une approche préventive face à ce type de défi qui l’interpelle en tant que garant de la paix et de la sécurité internationales. A l’effet d’appréhender l’acuité de la situation des eaux transfrontalières, il importe également d’examiner les principaux antagonismes liés à l’eau dans le monde et de porter un regard attentif sur l’état de la législation en la matière.

Les principaux antagonismes dans l’exploitation des cours d’eau transfrontaliers
L’analyse des antagonismes régionaux recensés dans le monde, avec comme fondement les différends liés à l’eau, permet d’appréhender l’ampleur de la gravité de ses défis. Le Jourdain, le Tigre et l’Euphrate, le Nil, l’Indus, les nappes aquifères du Midwest, sont autant de ressources en eaux transfrontalières, objet de divergences entre pays riverains…

Dimension préventive de l’initiative Eau-Paix-Sécurité
Comme évoqués plus haut, les disparités dans la répartition des ressources en eau dans le monde, leur raréfaction en raison de l’urbanisation, de l’effet des changements climatiques, du volume des investissements dans les domaines de l’agriculture ou de l’énergie, l’accroissement de la population mondiale et l’absence de cadre juridique dans beaucoup de cours d’eaux transfrontaliers ainsi que les divergences entre pays riverains accentuent la question de l’eau dans le monde.
Ainsi donc, la raréfaction des ressources en eau contraste dangereusement avec l’augmentation des besoins des populations alors que le Droit international censé le régir est, dans bien des cas, lacuneux.
Il reste donc évident dans ce contexte que la coopération, dans un esprit de solidarité et de compréhension mutuelle, reste la solution pour prévenir des affrontements liés à cette ressource.
La communauté internationale doit prendre conscience de l’acuité de la menace qui pèse sur la paix et la sécurité internationales. La problématique de l’eau est un enjeu trop stratégique voire vital pour être ignorée. Il y va de la préservation de la stabilité et de l’équilibre dans le monde.
La communauté internationale doit parvenir à des certitudes dans ce domaine bien précis. Or, jusqu’à présent, l’incertitude est la chose la mieux partagée.
Incertitude liée au cadre juridique devant régir la question ô combien stratégique de l’eau.
Incertitude liée à l’efficience des mécanismes de diplomatie préventive disponibles.
Incertitude liée à la préparation du Conseil de sécurité à connaître de cette question, quand on sait la dimension hautement politique pour ne pas dire politisée de cet auguste organe.
Or le Conseil de sécurité des Nations unies, garant de la paix et de la sécurité internationales, peut aider à combler le vide juridique ou à corriger, dans des cas précis, les lacunes juridiques constatées dans ce domaine.
Il peut également appuyer voire impulser des missions de bons offices par le biais du Secrétariat général des Nations unies ou encore des organisations régionales ou sous-régionales.
Et ce faisant, il se sera préparé à résoudre ou à contribuer à la gestion et à la résolution des crises et conflits liés à l’accès aux eaux trans¬frontalières.
C’est toute la raison structurante de l’initiative Eau-Paix-sécurité, qui fut la trame de l’engage¬ment du Sénégal au Conseil de sécurité des Nations unies.
Se fondant sur l’exemple de l’Omvs, considé¬rée comme une référence dans le monde en matière de gestion des eaux transfrontalières, cette initiative n’en reflète pas moins l’ancrage du Sénégal dans la politique de bon voisinage, principe sacro-saint de sa politique étrangère depuis l’indépendance, en 1960.
Aussi atteste-t-elle de son attachement aux idéaux de paix, de dialogue et de solidarité à l’échelle des Etats, valeurs fondatrices de l’Onu et que nous rappelle fort opportunément la présente pandémie du Covid-19.
Autant de valeurs et de vécu que le Sénégal a voulu partager avec le monde, lesquels constituent l’épine dorsale de cette initiative. L’objectif reste ici de faciliter la conciliation d’intérêts, apparemment divergents, par le truchement du dialogue et de la coopération.
Mis en pratique, de bonne foi, le dialogue pourrait contribuer à une meilleure compréhension des préoccupations de chaque partie et par conséquent, à la création d’un cadre de coopération qui répond aux besoins exprimés.
Ainsi, la confrontation ou la menace d’y recourir, comme nous y invite la charte des Nations unies, ne doit jamais être une option sur la table, encore moins la solution privilégiée.
Toutefois, cette prise de conscience ne doit pas être celle des seules parties ou d’une seule d’entre elles. Car, comme l’avait si bien dit le Président Macky Sall lors de la réunion en formule Arria de cet organe, tenue sous sa présidence, le 22 avril 2016, «ce débat interpelle tout naturellement le Conseil de sécurité, responsable au premier chef du mécanisme de sécurité collective des Nations unies».
Avant d’ajouter que «si gouverner c’est pré¬voir, il serait dommageable pour la paix mondiale que les décideurs laissent une question aussi sensible et potentiellement conflictuelle entre les mains des seuls techniciens» …
Dimension humanitaire de l’initiative Eau-Paix-Sécurité
L’autre dimension devant être prise en compte dans l’initiative Eau-Paix-Sécurité, est celle humanitaire. Il s’agit ici de protéger les cours d’eau transfrontaliers durant les périodes de conflit, conformément au Droit international humanitaire.
Ainsi, les dispositions pertinentes des Protocoles I et II relatifs aux Conventions de Genève offrent un cadre juridique de préservation des biens nécessaires à la survie contre les opérations militaires conduites par les belligérants. Il en est de même de la Convention des Nations unies sur le droit relatif aux utilisations de cours d’eau international à des fins autres que la navigation.
Cette protection s’applique, au-delà des ressources en eau, aux installations, ouvrages d’irrigation ou encore aux réserves d’eau po¬table.
L’autre aspect de la dimension humanitaire de l’initiative Eau-Paix-Sécurité concerne le recours à la protection des cours d’eau ainsi que des ouvrages y afférents comme mesure de renforcement de la confiance entre parties aux conflits lors de négociations pour une cessation des hostilités ou pour parvenir à un accord de paix…

Stratégie de promotion de l’initiative
Se fondant sur l’expérience du Sénégal en ma¬tière d’hydro-diplomatie et le leadership remarquable du Président Macky Sall sur la scène internationale, notamment sur la question de l’eau, la délégation sénégalaise a œuvré à la tenue d’une réunion du Conseil de sécurité des Nations unies, sous la formule Arria ; une stratégie permettant de réunir ses membres suivant une approche plus ouverte, avec une plus grande souplesse dans le choix des participants extérieurs à cet organe et sur des ques¬tions ne figurant pas encore dans son agenda.
En effet, les exemples de l’Omvs et de l’Omvg dans le partage et l’exploitation des eaux transfrontalières avaient fini de propulser le Sénégal au rang des pays bénéficiant d’une expérience avérée dans le domaine de l’hydrodiplomatie…
Et qui plus est, par sa vision inspirante des questions internationales, le Président Macky Sall a été invité par le président de la Banque mondiale, Monsieur Jim Yong Kim, et le Secrétaire général des Nations unies, Monsieur Ban Ki Moon, à rejoindre le Groupe de haut niveau sur l’eau.
Composé d’une dizaine de Chefs d’Etat et de gouvernement et de deux conseillers spéciaux, ce Groupe fut créé en janvier 2016 lors du Forum économique de Davos, pour contribuer à la réalisation de l’objectif du développe-ment durable 6 visant à garantir l’accès de tous à l’eau et à l’assainissement à l’horizon 2035…
Dans le même sillage, notre pays était membre du Panel mondial de haut niveau sur l’eau et la paix, consacrant l’ancrage d’un peuple dans les valeurs universelles de paix et de dialogue sur une question pourtant éminemment sensible car stratégique…
C’est sous ce rapport que la réunion Arria du conseil fut placée sous la présidence du chef de l’Etat, Sem Macky Sall, avec comme entre autres intervenants, les Hauts commissaires de l’Omvs et de l’Omvg, réunion qui connut un énorme succès tant la pertinence de l’initiative sénégalaise fut éloquemment démontrée par les différents orateurs…
Quelques rares délégations ont, toutefois, ex¬primé des réticences quant à l’introduction d’une telle question sur la table du conseil, nous permettant ainsi d’identifier les «goulots d’étranglement» qui risquent d’obstruer l’avancée de ce processus ainsi engagé.
Ce succès servit donc de rampe de lancement pour intensifier le travail de couloir que la délégation sénégalaise avait déjà entamé quelques mois auparavant, au moyen de rencontres in-formelles faites de petits déjeuners et de déjeuners de travail dans les chancelleries, mais aussi les restaurants situés dans le Midtown, ou de discussions autour d’un café au «North delegate lounge» ou au «Vienna cafe» dans l’enceinte du siège de l’Organisation entre deux réunions du Conseil de sécurité. A cela s’ajoutent les multiples échanges de haut ni¬veau que menèrent les autorités sénégalaises auprès des plus grands dirigeants du monde pour sensibiliser davantage et repréciser, au besoin, l’approche privilégiée par notre pays.
En effet, faudrait-il le souligner, en diploma¬tie et plus encore celle multilatérale, le travail effectué dans la plus grande discrétion est la plus efficace…
Or, la délégation sénégalaise avait su concilier des démarches à la fois discrètes et visibles, comme la tenue, le 22 avril 2016, de cette réu¬nion Arria précitée du conseil, en marge de la signature par les dirigeants du monde de l’Ac¬cord de Paris sur les changements climatiques, un moment historique pour l’organisation, au vu de ce que cet instrument représente pour le devenir de l’humanité …
Tantôt visible, tantôt discrète, la diplomatie sénégalaise poursuivit lentement, mais sûre¬ment, la promotion de son agenda sur l’eau, avec comme point d’orgue sa présidence du Conseil de sécurité, en novembre 2016…
Ancien conseiller en Communication à la Mission Sénégalaise auprès des Nations Unies

L’agenda Eau-Paix-Sécurité, au-delà du mandat du Sénégal au Conseil de sécurité
La tenue, en terre sénégalaise, du Forum mondial de l’eau est un témoignage fort éloquent du leadership du Sénégal et de son Président sur la problématique de l’eau sur la scène internationale. Pendant près d’une semaine, les plus grands experts et leaders du monde, bref les voix les plus autorisées sur la question, ont élu domicile au pays de la Teranga aux fins d’échanger sur un thème qui n’en rappelle pas moins l’initiative sénégalaise au conseil.
En effet, «La sécurité de l’eau pour la paix et le développement» qui a servi de cadre à ces échanges, rappelle sans ambages l’impérieuse nécessité, pour la communauté internationale, d’unir les efforts pour inscrire la gestion de cette ressource ô combien stratégique au service de deux piliers majeurs du système des Nations unies : la paix et le développement…
Il est heureux, en outre, de voir l’Omvs figurer sur la liste des nominés pour le Prix Nobel de la Paix ; une nouvelle illustration, s’il en était encore besoin, de la place de l’hydrodiplomatie dans un monde paisible et prospère, telle que promue par le Sénégal et ses voisins, convaincus qu’ils sont, qu’un cours d’eau partagé intelligemment constitue plus un trait d’union entre les peuples qu’un facteur de division…

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