Le responsable exécutif du Conseil national du patronat se prononce à quelques jours des Assises de l’Entreprise, un rendez-vous annuel qui a été longtemps repoussé du fait du Covid. M. Diop évoque aussi les négociations sur la hausse des salaires, demandée par les syndicats des travailleurs. Et en passant, le Numéro 2 du Cnp se démarque des déclarations du président de la Cnes, concernant les rencontres du patronat avec le chef de l’Etat.
Les Assises de l’Entreprise devraient se tenir les 16 et 17 février 2023. Quels sont les thèmes, objectifs et attentes de cette édition ?
Nous sommes restés trois ans sans organiser nos Assises de l’Entreprise à cause de la pandémie et ses impacts financiers au niveau de l’activité économique. La dernière édition a eu lieu le 16 avril 2019. 2023 est une année de relance économique et des projections de taux de croissance de l’ordre 10% ont été faites. Donc un nouveau contexte, avec de nouveaux enjeux et défis.
C’est pourquoi nous avons décidé d’innover en ayant comme thème majeur de nos Assises de l’Entreprise 2023 : «Dakar, une place financière de référence.» Nous avons dans un premier temps partagé cette ambition avec l’Apix avant de le retenir. Cela nous a permis de constater, ensemble, à quel point le développement de places financières africaines est aujourd’hui une condition sine qua non d’une réelle émergence économique et d’une meilleure insertion dans l’économie mondiale.
Des hubs financiers se développent de plus en plus en Afrique pour capter les flux d’investissements et de placements internationaux, promouvoir l’intégration financière africaine, renforcer la présence de l’Ide (Investissement direct étranger. Ndlr) en Afrique, saisir les opportunités de la zone de libre-échange continentale et valoriser le potentiel énergétique et minier de l’Afrique. On peut ainsi citer Casablanca, Cape Town, Johannesburg, Mauritius, Kigali, Nairobi, Lagos. En plus, Lomé a également cette ambition d’être une place financière.
Alors, au Cnp, nous avons réuni nos trois groupements professionnels, à savoir, les banques, les assurances et la Fintech, pour apprécier ce projet et sa faisabilité. Tous ont reconnu qu’il ne fallait pas attendre, et qu’il était urgent de le réaliser au regard de l’évolution de l’écosystème financier et du numérique aux niveaux national, africain et international.
Le président Baïdy Agne également s’est longuement entretenu avec le Premier ministre Amadou Ba. Ils ont estimé que la réalisation du Projet «Dakar, place financière de référence» se justifie pleinement pour plusieurs raisons, notamment, d’un, les projets structurants du Plan Sénégal émergent (Pse), ainsi que le potentiel à valoriser dans les secteurs du pétrole, du gaz, des mines, de l’agro-industrie, etc. Ensuite, les infrastructures de qualité et de dernière génération dans les domaines de la connectivité, des transports, du Btp et de la production (Diamniadio, Zones économiques spéciales, Agropoles). Il y a également la présence de plus en plus forte au Sénégal de banques et d’établissements financiers, les opportunités de la finance islamique, l’écosystème du numérique et de la fintech, le plateau médical public et privé en constante progression, la promotion immobilière soutenue. N’oublions pas non plus, la position géographique avantageuse de Dakar, carrefour de plusieurs destinations commerciales africaines et mondiales, ville attractive pour les conférences internationales et rencontres d’affaires, la stabilité et la paix sociales, ainsi que les ressources humaines jeunes, qualifiées et innovantes, et le cadre réglementaire et juridique des contrats Ppp.
Nous sommes persuadés que ce projet «Dakar, place financière de référence» vient à son heure.
Les autres évènements de nos Assises de l’Entreprise sont tout d’abord, le Salon international des professionnels de l’économie numérique (Sipen). Le thème choisi par Optic est : «Accélérer la transition numérique pour renforcer l’intégration économique au sein de l’Union économique et monétaire ouest-africaine.»
Puis vous avez le Salon/Expo «Dakar Industries : Le Made In Sénégal». Il est important, au moment où nous parlons de plus en plus de souveraineté économique et alimentaire, ainsi que de mesures contre la cherté de la vie, que l’on mesure davantage toute l’attention que nous devons porter à notre secteur industriel, étant le 1er pourvoyeur d’emplois décents et durables, ainsi que la 1ère activité productrice de valeur ajoutée conséquente avec des produits de qualité répondant parfaitement aux normes internationaux.
Un autre secteur d’activités que nous entendons mettre également en exergue est celui des Assurances, plus précisément le rôle économique et social des compagnies d’assurance dans notre pays. Il n’y a pas que l’indemnisation aux assurés, vous avez les placements sur les marchés financiers, la contractualisation de la dette publique, les titres sur les marchés de capitaux, les obligations, les garanties d’investissements, la protection sociale, etc.
Il y aura également d’autres activités que je ne vais pas développer ici, pour ne pas être trop long.
Où en est la concertation publique-privée ? Y’a-t-il une rupture depuis 7 ans, comme l’a souligné le président de la Cnes, Adama Lam ?
Non, pas du tout… Nous sommes même très surpris de cette déclaration. Pour preuve, nos Assises vont se tenir en présence de l’Etat et ses démembrements. Il n’y a jamais eu de rupture. Je ne sais pas les raisons pour lesquelles le président de la Cnes, Adama Lam, a fait cette déclaration, mais j’avoue ne pas la comprendre et cela ne saurait nous engager.
Pour rappel, pendant le Covid-19, en 2020, donc il y a moins de 3 ans, le chef de l’Etat a reçu les organisations du secteur privé en présence de Feu le président Mansour Cama. Ensuite, il y a eu différentes rencontres d’échanges et de concertation avec le chef de l’Etat dans le cadre de conseils présidentiels sur la relance économique (Pap 2A, Preac, etc.).
Pour ce qui nous concerne, le chef de l’Etat et l’ensemble du gouvernement ont toujours été à notre écoute à chaque fois que nous avons eu à leur soumettre des dossiers portant sur les préoccupations des entreprises.
A titre d’exemple, concernant les plateformes pétrolières logistiques portuaires, le chef de l’Etat a fortement soutenu le secteur privé national, de même que pour les Ipp dans le secteur de l’énergie, et le contenu local dans le secteur des hydrocarbures, etc.
Le ministre des Finances également ! Souvenez-vous des décisions positives qu’il a prises après nous avoir reçu suite aux difficultés des industriels meuniers, la nouvelle taxe douanière Promad, la taxe plastique, le soutien au secteur du tourisme, etc.
Maintenant, peut-être que nous le Privé, ne communiquons pas publiquement après chaque audience avec le chef de l’Etat ou le ministre des Finances. Ce n’est pas l’objectif que nous recherchons, mais plutôt, le règlement des questions portées à leur attention. Je dois dire d’ailleurs que nous avons rencontré plusieurs fois le Premier ministre Amadou Ba sur des dossiers bien précis nécessitant son intervention, et qu’il nous a dit avoir prévu de tenir très prochainement des concertations avec les organisations du secteur privé.
Quelle suite avez-vous réservée à la demande des centrales syndicales de travailleurs d’augmenter les salaires dans le secteur privé ?
Nous avons en effet été saisis de la demande des centrales syndicales pour l’augmentation du Smig de 17%, la revalorisation des salaires catégoriels de 30% et l’augmentation de la prime de transport de 20 800 F Cfa à 50 000 F Cfa.
Nous ne sommes pas surpris de cette demande syndicale au regard de la cherté de la vie, et en conséquence de la baisse du pouvoir d’achat des travailleurs. Cette demande est donc parfaitement compréhensible et nous allons l’examiner en toute responsabilité. Je dois dire que dans notre pays, nous avons une démocratie sociale tripartie (Etat/Employeurs/Travailleurs) qui fonctionne bien, et fait montre de responsabilité pour préserver la paix sociale en prenant en compte les préoccupations de chaque partie-prenante. Je n’ai donc aucune inquiétude, un accord sera trouvé avec les centrales syndicales de travailleurs.
Nous avons tenu une première réunion tripartite présidée par le ministre du Travail, M. Samba Sy. Nous avons souligné toute l’importance qu’il convient d’accorder aux difficultés auxquelles les entreprises sont confrontées avec cette série de chocs exogènes allant du Covid aux hausses substantielles des coûts des matières premières et du fret maritime, au conflit russo-ukrainien.
En commençant par la dette intérieure, il y a la nécessité pour l’Etat de procéder au paiement des dettes échues afin que les entreprises puissent faire face à leurs difficultés de trésorerie, aux échéances bancaires et de leurs fournisseurs, ainsi que leurs obligations fiscales et sociales, sans oublier les retards dans la réalisation des projets d’investissements.
Et à cela, il faudra bien entendu ajouter non seulement les nouveaux tarifs de l’électricité et du carburant qui vont impacter des secteurs tels que celui de l’industrie, mais aussi tenir compte de la volonté du chef de l’Etat lors du Conseil présidentiel sur la vie chère, de préserver le pouvoir d’achat des Sénégalais.
Nous analyserons les possibilités des entreprises en fonction de leur taille, des effectifs et des secteurs d’activités. Je précise que l’exercice n’est pas facile car la Pme n’a pas les mêmes capacités qu’une grande entreprise, les professionnels de l’hôtellerie et du tourisme ont été très impactés par le Covid-19, et vous avez également une masse salariale très importante dans des secteurs comme l’agro-industrie, la sécurité privée et la manutention maritime.
Je souligne par ailleurs que plusieurs entreprises résilientes n’ont pas attendu cette demande de hausse généralisée des salaires. Elles ont pris d’elles-mêmes l’initiative et c’est une bonne chose.
Les négociations sociales vont se faire par étape. Aucune décision ne saurait être prise sans évaluation d’impacts financiers et supportables.
Il faut bien comprendre que la dernière hausse des salaires dans le secteur privé date de 2020, et que l’Etat, en augmentant les salaires en 2022, a tout simplement rejoint, après 2 années, le secteur privé.
Puis, nous engagerons les discussions avec nos partenaires travailleurs, chaque partie mettant sur la table de négociations ses propositions. Je rappelle que nul ne connaît mieux que les travailleurs la situation de leur entreprise, et nul ne connaît mieux que l’employeur la situation de ses travailleurs.
Je précise que l’exercice ne sera pas facile car c’est juste avant la pandémie sanitaire Covid-19 que nous avons procédé à une augmentation généralisée des salaires. En 2019, une hausse du Smig et du Smag de 45%, en 2020 une hausse des salaires catégoriels de 8% de la 1ère catégorie à la 3ème, et une hausse de 5% pour toutes les autres catégories.
Propos recueillis par Mohamed GUEYE
mgueye@lequotidien.sn
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