De l’importance des conseillers

J’ai lu avec beaucoup d’intérêt un ouvrage du journaliste Olivier Faye, intitulé La Conseillère, aux éditions Fayard, où il revient sur le portrait d’une dame aussi intrigante que n’a été décisive son empreinte dans la vie politique française. Il s’agit de Marie-France Garaud, une conseillère politique qui régna sur la vie publique française dans la décennie 1970, depuis les coulisses. C’est donc un récit biographique sur la première «Spin doctor» à la française, à qui on doit un fier bout de la carrière politique de Jacques Chirac, qu’offre Olivier Faye. Sur son influence dans la carrière politique du Président Chirac, l’allusion sera souvent faite de leur duo, à la paire Agrippine et Néron. La première dans sa position de mère aidant Néron à être empereur et régner sur Rome à travers lui.
L’auteur avoue dans son ouvrage être tombé sur le personnage de Marie-France Garaud alors qu’il était stagiaire au journal La Croix, devant réaliser son portait pour une revue. Il sera impressionné au contact de la dame, par son impact sur la politique française, le poids qu’elle a pu peser sur la vie publique de son pays et surtout la méconnaissance que le grand public a d’elle.

C’est avec des séries d’entretiens que lui accorde la principale concernée, avec des témoignages de plusieurs de ses contemporains, à l’exception de Valéry Giscard d’Estaing et Edouard Balladur, choisissant le silence, pour ne pas dire le mal qu’ils pensent d’elle, que Olivier Faye dresse le portrait de la «femme la plus puissante de la France contemporaine». Il est ainsi peint une fresque politique depuis le regard d’une personne de l’ombre. Elle œuvre aux côtés de dirigeants pour aider à donner un ton dans l’action publique de la France qu’elle voit grande et souveraine. Son travail de conseillère, Marie-France Garaud le fonde sur son intelligence et son entregent, porte en bandoulière un verbe assassin, tient une posture antiféministe ferme et ne se départit pas, par loyauté, de son collaborateur Pierre Juillet. Ils seront un tandem fidèle, œuvrant dans l’ombre pour Georges Pompidou dans ses passages à Matignon et à la station suprême de l’Elysée. Malgré son influence, Marie-France Garaud ne laisse guère le titre de conseiller officiel ou officieux lui monter à la tête. Elle soutiendra que le conseiller «n’existe pas aux yeux de l’histoire». Elle ira plus loin sur le rapport du conseiller avec le pouvoir, feignant l’allusion que le personnage de fiction politique Frank Underwood dépeignait sur la proximité du pouvoir. Garaud dira ce qui suit : «On n’est pas au pouvoir quand on est conseiller. On est au pouvoir quand on décide ! Le pouvoir ne se partage pas, on le sert. Les états d’âme des exécutants ne regardent personne.»

Le Graal de la carrière de conseillère de Marie-France Garaud se fera par le couronnement de la carrière politique de Jacques Chirac, devenu Président. Elle accompagne ce jeune homme fougueux, conquérant, ambitieux, inconstant et impétueux dans son immersion à la vie publique française. Elle aide à en faire un véritable tueur politique qui gravit les marches pour devenir roi. Les dégâts sur les carrières et destinées de gens seront nombreux dans tout le compagnonnage entre l’Agrippine Garaud et son Néron Chirac. Dans la vie privée, dans la scène politique face à des rivaux comme Jacques Chaban-Delmas, Marie-France Garaud aura porté ses coups, promu ses idées, combattu des ennemis jusqu’à la rupture avec son protégé en 1978. Néron fera tuer Agrippine chez les Romains, Chirac se videra aussi de toute l’influence de Garaud. Cette dernière dira s’être trompée sur le compte de son «Poussin», car elle le croyait venant «du marbre dont on fait les statues. En réalité, il est de la faïence dont on fait les bidets».

La Conseillère est un récit qui fait revivre une noble époque de la politique qu’on pourrait penser révolue. Les grandes figures de la politique française s’y croisent et c’est un régal de constater toutes leurs luttes pour du pouvoir. On y rencontre une tête bien faite qui aime le pouvoir pour la capacité qu’il donne de bouger des lignes et de mettre en avant des idées qui consolident la marche d’un pays.

C’est un ouvrage d’une actualité frappante dans un pays comme le nôtre, où nos politiciens ont fini de faire d’eux-mêmes des dieux tout pensant, tout sachant et tout pouvant. C’est bien ici que des autorités peuvent fièrement clamer ne pas se référer aux notes que peuvent leur produire leurs équipes, sans que ça ne choque ! Cela se traduit par une personnalisation de l’action publique et politique avec des chefs qui peuvent en faire à leur tête, au détriment du risque sur leurs actions non maîtrisées. S’il est une chose qui est des plus importantes en politique, c’est de savoir bien s’entourer.

Des joutes électorales approchent, chacun se voit chef avant l’heure. Plusieurs errements dans la communication et les sorties du personnel politique de tous bords donnent à penser de l’impréparation et de la légèreté avec lesquelles certains prennent la chose politique. Des Marie-France Garaud, le Sénégal en a bien besoin. D’un conseil nourri d’une intelligence et d’une fermeté dans les idées et convictions, notre vie politique pourrait sortir ragaillardie de l’implication de ces gens de l’ombre.
Par Serigne Saliou DIAGNE / saliou.diagne@lequotidien.sn

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