Quand on évoque le passage de Amadou Makhtar Mbow à la tête de l’Unesco, le Nouvel ordre mondial pour l’information et la communication est forcément évoqué. Ce projet d’envergure a reçu un accueil mitigé en son temps. L’opposition des Etats-Unis principalement, mais aussi de certains pays occidentaux a empêché l’adoption des conclusions du rapport de la Commission internationale d’étude des problèmes de la communication (Cic). Plusieurs décennies après, le combat du président Amadou Makhtar Mbow garde toujours son actualité.
Amadou Makhtar Mbow a présidé aux destinées de l’Unesco entre 1974 et 1987. Sous sa direction, la commission MacBride qu’il a instituée présente un rapport intitulé «Voix multiples, un seul monde. Pour un nouvel ordre mondial de l’information et de la communication plus juste et plus efficace». Ce rapport présente des recommandations pour établir un nouvel ordre mondial de l’information et de communication plus équitable. Le Nomic traduit la prise de conscience par les pays en développement de leur situation défavorisée dans le domaine de l’information et de la communication. La libre circulation de l’information n’a pratiquement pas de sens pour les pays dont les infrastructures et la technologie dans le domaine de l’information et de la communication sont extrêmement sous-développées. Cette question est débattue dans différents fora internationaux au centre desquels se trouve l’Unesco. Quand Amadou Makhtar Mbow crée la Commission internationale d’étude des problèmes de la communication (Cic) en 1977, sous la direction de l’ancien ministre irlandais des Affaires étrangères Sean MacBride par ailleurs fondateur d’Amnesty international, l’objectif est de présenter un consensus autour de la question. Composée d’éminents journalistes comme Hubert Beuve-Mery, le fondateur du quotidien Le Monde ou l’écrivain Gabriel Garcia Marquez, la Cic va travailler pendant trois ans avant de présenter le 23 septembre 1980, à la 21e session de la Conférence générale de l’Unesco à Belgrade, le rapport final de la commission. «L’instance délibérative a été invitée non pas à l’approuver, mais à examiner le rapport du directeur général sur les conclusions de la commission. Celui-là aurait-il subi des pressions pour éviter un conflit au sein de l’Unesco ? Il n’a pu faire procéder à l’approbation de l’ensemble de ce copieux document avec ses 82 propositions. Entre-temps, il a dû prendre acte de la déclaration d’une soixantaine de dirigeants des médias de 21 pays de l’Ouest qui, réunis à Talloires (Haute- Savoie, France) du 15 au 17 mai 1981, à l’initiative de l’organisation américaine World press freedom committee, ont réaffirmé leur approche libérale de l’information liée à un modèle économique qui ne se discute pas», relate le Professeur de sciences de l’information et de la communication Michel Mathien dans un article sur l’actualité du Nomic. Au terme de cette rencontre où les incompréhensions se sont multipliées, seule la proposition 78 portant «création d’un Centre international pour l’étude et la planification de l’information et de la communication» a été adoptée. Le 16 avril 1980, la Conférence intergouvernementale Devcom de Paris (35 Etats), présidée par Mustapha Masmoudi, met en place le Programme international pour le développement et la communication, dit Pidc, avec une visée technique et pragmatique en faveur des Etats du Tiers-monde.
Actualité du Nomic
L’esprit du Nomic est toujours d’actualité. C’est la conviction de Fatou Mboup, présidente de la commission organisation et communication dans le cadre de la célébration du centenaire du Pr Amadou Makhtar Mbow. D’après Mme Mboup qui faisait face à la presse mercredi dernier, au regard «du nombre de médias et la démocratisation des médias aujourd’hui dans nos petits pays comme le Sénégal», M. Mbow, à travers ce projet, a joué un grand rôle. «Sa bataille justement à l’époque, c’est que l’information et la communication étaient dédiées aux pays riches. Il voyait que les gens ne voulaient pas élargir. Il avait compris que c’était le principal pouvoir. Et il fallait que l’Afrique ne soit pas en retard.» Poursuivant ses explications, Mme Mboup soutient «qu’avec le numérique aujourd’hui, l’accès à l’information s’est démocratisé». D’après la présidente de la commission d’organisation, «aucun pays ne peut aujourd’hui empêcher un autre de communiquer». «Cette bataille continue, c’est celle des nouvelles technologies. Il faut être à niveau», a-t-elle déclaré. Abordant ce sujet, Pr Bouba Diop estime pour sa part qu’au-delà des médias, il y avait une bataille pour l’appropriation de nos langues. «Les Peuples doivent avoir des informations dans leurs langues et les Etats ont peur de rendre compte. C’est une équipe qui a mené ce combat. Même pour le combat pour l’écriture de l’histoire, ils ont tenu à ce que cela soit traduit dans les langues africaines. Le combat, au-delà des médias, c’est la traduction de nos livres dans nos langues», a-t-il fait savoir. Quid de l’impact de ce projet auquel les Etats-Unis étaient opposés sur la carrière de Amadou Makhtar Mbow à l’Unesco ? D’après Fatou Mboup, «si les Américains s’y étaient opposés, c’était parce qu’ils voulaient imposer leur suprématie par la communication et pouvoir la conserver». Cet épisode, d’après Mme Mboup, n’a pas entaché le parcours de l’ancien directeur de l’Unesco. «Il a laissé une empreinte indélébile. Lorsqu’on parle de lui, on pense à cela et il a été le précurseur. Il avait déjà fait deux mandats au niveau de l’Unesco. Cela n’a pas entaché quoi que ce soit. C’est une bataille qu’il a menée avant et après, et il y a eu des relais. Les agents de l’Unesco ont continué ce travail.»
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