Exactions – Homicides illégaux, enlèvements, destructions d’habitations… : Amnesty international alerte sur le conflit au Cameroun
Les recherches menées par Amnesty international révèlent la «terrible ampleur» des destructions causées par le conflit qui fait rage dans les régions anglophones du Cameroun. L’Ong de défense des droits humains fait état de victimes d’homicides illégaux et d’enlèvements, dans un contexte de destruction d’habitations et de villages.
Par Mamadou SAKINE – Au Cameroun dans les sept départements de la région du nord-ouest, 162 Mbororos ont été tués, environ 300 habitations ont été incendiées, 2 500 têtes de bétail ont été tuées ou capturées, 102 personnes ont été enlevées, donnant lieu au versement de presque 270 mille euros de rançon. Ce sont là des chiffres non officiels que des groupes Mbororos ont envoyés à Amnesty international, «faute» de données officielles émanant des autorités, depuis 2017. L’Ong révèle que les attaques ciblent tout particulièrement les communautés mbororos qui font partie du groupe ethnique des Fulanis. Mais également l‘arrondissement de Nwa, situé le long de la frontière entre le Cameroun et le Nigeria, est particulièrement touché par les récentes violences.
Par ailleurs, Amnesty international déclare qu’entre le 22 et le 26 février 2021, au moins 4 200 personnes ont été déplacées de sept villages de Nwa, à la suite d’attaques menées par des comités de vigilance fulanis, qui ont coûté la vie à au moins huit personnes. Et d’après toujours Ai, selon le Centre pour les droits humains et la démocratie en Afrique (Chrda), les bergers fulanis (Peuls) «ont mené plus d’une dizaine de raids contre les habitants des villages de Nwa en moins d’un mois». «Les images satellite analysées par Amnesty international montrent qu’au moins quatre villages ont été détruits ou incendiés à Nwa en février 2021. On ignore si les comités de vigilance fulanis ont attaqué les villages ou si ces destructions sont dues aux affrontements avec les groupes armés séparatistes, mais les images laissent supposer que les destructions sont plutôt récentes», ajoute Amnesty international. Elle soutient que sur les images du village de Sih prises le 5 mars 2021, on peut voir de larges zones de végétation noircie, ce qui indique qu’elle a été récemment calcinée, dit-elle. Ce n’est pas tout, selon l’organisation. Le village de Ntong a également été durement touché, comme le montrent des images du 11 février et du 5 mars 2021. Sur des images prises le 3 avril, on voit plusieurs zones où les bâtiments dans le village de Ntim apparaissent endommagés ou détruits.
Relativement à ce qui se passe dans cette partie du Cameroun, Fabien Offner, chercheur sur l’Afrique centrale à Amnesty international, a donné des détails. Il dit : «Toutes les parties au conflit dans les régions anglophones du Cameroun commettent des atteintes aux droits humains et des exactions, et la population civile est prise au piège. Dans un cas particulièrement horrible, deux vieilles femmes ont été abattues par des tirs de rafales de séparatistes armés. Autre cas, des membres de comités de vigilance fulanis (Peuls) ont incendié des centaines d’habitations et tué quatre personnes lors d’une attaque.» Et d’ajouter : «Il est difficile d’obtenir des informations précises sur la crise des droits humains qui se déroule dans ces régions, qui sont difficiles d’accès par la route et ne sont pas bien raccordées au niveau des réseaux de télécommunications. Mais ce n’est pas une excuse pour détourner le regard. Sans une action déterminée des autorités camerounaises et de la communauté internationale, les civils continueront d’être les premières victimes de cette crise.»
D’après Amnesty international, les communautés mbororos paient le prix fort. «Les séparatistes armés sont venus m’attaquer à six reprises. Ils ont détruit mon campement, incendié les maisons de mon frère. Sept personnes ont été tuées dans mon campement. Ils les ont regroupées dans une maison, ont tout fermé et ont mis le feu», selon un chef traditionnel mbororo dans l’arrondissement de Nwa, rapporte Amnesty international. Elle indique que d’après les témoignages, les documents et les images satellite examinés par Amnesty international, les séparatistes armés ont attaqué une communauté mbororo dans la localité de Mbem le 16 février 2020. Le bilan a fait : Quatre membres d’une même famille, âgés de 15 à 80 ans, ont été tués, et trois autres blessés, dont deux femmes âgées qui ont essuyé des tirs de rafales et ont été touchées au front, dans les jambes et les cuisses. Et les assaillants ont également mis le feu à 30 maisons et à la mosquée, et pillé des biens, dont des motos, selon ses investigations. «Nous sortions de la mosquée après la prière, lorsque des séparatistes armés sont arrivés, circulant sur trois motos, et nous ont attaqués. Ils ont incendié toutes nos maisons. 200 personnes ne savaient plus où dormir, car leur habitation avait été réduite en cendres», a témoigné une victime à Amnesty international.
msakine@lequotidien.sn
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