Quelle lecture faites-vous de la réaction du groupe Benno bokk yaakaar, qui rejette la proposition de loi criminalisant l’homosexualité ?
C’est une position que je respecte. Le débat est ouvert. Notre position est qu’il faut criminaliser. En tant que député, c’est la Constitution qui nous autorise à déposer une proposition de loi. L’article 80 dispose que l’initiative des lois appartient au président de la République et aux députés. Donc, tout député qui réfléchit sur une question donnée, peut introduire une proposition de loi. Maintenant, attendons de voir, parce que la procédure a été lancée dans le cadre de l’article 60 du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale, qui va examiner la proposition de loi sur sa recevabilité. Pour moi, cette proposition de loi est recevable, parce qu’elle n’a aucune incidence financière et n’est pas non plus contraire aux lois et règlements en vigueur. C’est juste une modification de l’article 319 du 12 février 1966. Après l’examen, le texte sera transmis au président de la République pour avis. Je crois que cette procédure sera respectée. Quand cette loi sera discutée en commission, en plénière, chaque député aura l’occasion de donner librement son point de vue.
Cette proposition de loi a-t-elle des chances d’être votée, quand la majorité parlementaire a ce type de réaction ?
Il faut savoir que cette proposition de loi émane d’une volonté populaire. C’est une pétition qui a été lancée par l’association And samm jikko yi. Tous les foyers religieux du Sénégal ont été consultés et ont approuvé cette proposition de loi. Les dignitaires religieux, coutumiers, le clergé et les associations se sont prononcés favorablement à la criminalisation de l’homosexualité. Le député agit pour le compte du Peuple. Donc, nous ne faisons que traduire une volonté du Peuple. Maintenant, libre à eux de dire qu’ils ne vont pas voter. C’est leur droit. Pour cette proposition d’une importance capitale parce que les députés sont des pères et mères de familles, donc cela concerne l’avenir de nos enfants, ils doivent privilégier l’intérêt général. La loi actuelle date de 1966, donc elle est là depuis 55 ans. Depuis, beaucoup de choses ont évolué. A l’époque, on parlait d’actes impudiques ou contre nature. Aujourd’hui avec les concepts qui se développent, liés à l’homosexualité, il faut adapter cette loi par rapport à l’évolution de notre société.
Benno bokk yaakaar rétorque que la question de l’homosexualité a été réglée par l’article 319 du Code pénal…
C’est une mauvaise lecture. Cet article 319 ne parle pas d’homosexualité, il évoque des actes contre nature ou impudiques, punis de 2 à 5 ans. Il n’est nulle part mentionné le terme «homosexualité» dans le Code pénal. Parler d’actes contre nature ou impudiques, c’est un fourre-tout. De 1966 à aujourd’hui, personne n’a été condamné pour homosexualité, parce que la loi actuelle ne prévoit pas ce délit. En revanche, cette nouvelle proposition de loi évoque clairement l’homosexualité. On parle de condamnation de 5 à 10 ans. Ce n’est pas la même chose. Notre proposition parle aussi de l’apologie de l’homosexualité. L’apologie de l’homosexualité est condamnée de 3 à 5 ans. Avec notre proposition de loi, si les homosexuels sont déclarés coupables, ils perdent leurs droits civiques et l’article 34 du Code pénal leur est appliqué. Il y a beaucoup d’innovations dans notre proposition de loi.
Des députés auraient demandé le retrait de leur nom de la liste des signataires. Qu’en est-il réellement ?
(Il coupe) Pas à ma connaissance. Vous savez, j’ai travaillé à la rédaction de cette proposition de loi. Depuis 4 mois, je travaille sur la question. Quand nous avons terminé le texte, je sais que des députés ont parlé avec And samm jikko yi, d’autres ont échangé avec Mamadou Lamine Diallo. Il est vrai que lorsqu’on faisait le point sur le nombre de députés qui devait porter la proposition de loi, des gens se sont retirés, mais c’était bien avant le dépôt. Ensuite, on s’est retrouvés à 11 députés. Ces derniers avaient envoyé un texte ou un sms pour annoncer leur approbation.
Cette proposition de loi a-t-elle un agenda électoraliste, à moins d’un mois des Locales, comme le soupçonne Benno bokk yaakaar ?
Cela n’a rien à voir avec les Locales, je viens de vous dire que cela fait 4 mois que je travaille sur la question, à savoir l’exposé des motifs ou la loi proprement dite. A cette époque, on ne parlait pas d’élection. Cela coïncide avec les Locales, mais avoir une position sur une proposition de loi, ne donne pas un avantage aux élections locales. Là, il s’agit de programmes qui appartiennent à chaque localité. Il revient aux candidats de convaincre les électeurs par des programmes et non par une proposition de loi, qui a une portée générale ou nationale.
Propos recueillis par Babacar Guèye DIOP-bgdiop@lequotidien.sn
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