PLUS LOIN AVEC…. Coumba Guèye Kâ Secrétaire exécutive de l’Ajs : «Adji Sarr a été soutenue comme les autres victimes»
Les accusations de viol ont encore fait l’actualité, cette année. Dans cet entretien, la Secrétaire exécutive de l’Association des juristes sénégalaises analyse l’entrée en vigueur de la loi criminalisant le viol et la pédophilie, il y a deux ans. Coumba Guèye Kâ a également parlé du soutien que l’Ajs apporte aux victimes. Concernant Adji Sarr qui a accusé Ousmane Sonko de viol, elle estime qu’elle a été soutenue comme toutes les autres victimes.
Cela fait 2 ans que la loi criminalisant le viol et la pédophilie a été votée et promulguée, quel bilan en faites-vous?
Forcément, il y a des impacts au niveau de la procédure. Depuis la promulgation de cette loi en 2020, donc bientôt deux ans, on ne peut pas parler de bilan parce qu’on n’a pas encore eu de décision de Justice dans les juridictions. Tous les cas de viols sont en instruction dans les cabinets d’instruction ou juridictions, à travers le pays. Pour parler de bilan, il nous faudrait avoir des décisions de Justice. Lors de notre panel de haut niveau tenu les 20 et 21 décembre derniers, on a enregistré la participation de magistrats, juges d’instruction, procureurs, juges correctionnel. Le juge d’instruction nous a assuré que tous les cas d’instruction pour les crimes, vont être instruits dans les 3 ans. On espère que d’ici 2022, peut-être avant fin 2022, on aura des décisions de Justice qui vont concerner cette loi qui a criminalisé le viol et la pédophilie.
Quelles sont les statistiques de l’Ajs concernant les cas de viols notés cette année ?
Pour 2020, on a eu 290 cas de viols qui ont été reçus dans nos 8 boutiques de droit. En 2021, je ne peux donner que les cas reçus de janvier à novembre, parce qu’on n’a pas encore cumulé les cas pour le mois de décembre. Donc en ce qui concerne 2021, on a reçu 161 cas de viol. Si on regarde la tendance, on note qu’elle est baissière, il faut juste préciser que les cas de décembre ne sont pas comptabilisés.
Si on compare les chiffres de 2020 à ceux de 2021, on constate une légère baisse, comment interprétez-vous ces chiffres ? Est-ce que c’est l’effet dissuasif de la loi ou la dénonciation ?
Je dirais les deux, parce que le fait que les victimes ne soient plus dans l’ombre, est une bonne chose, cela peut dissuader. La loi aussi, parce qu’une loi a une fonction répressive quand on passe du délit au crime, cela a une conséquence énorme et peut expliquer la tendance baissière. Mais, il faudra attendre la fin du mois de décembre pour avoir un chiffre global au niveau de nos 8 boutiques de droit, et pour voir si cette tendance est confirmée.
Depuis quelques années, on constate à travers le monde une campagne de dénonciation, de libération de la parole, mais au Sénégal, c’est encore timide. Qu’est-ce qui explique cela?
Les gens prêtent une oreille attentive, les victimes savent où aller quand elles subissent une violence. La presse participe à cette dénonciation, il y a une vulgarisation. Mais, il reste beaucoup à faire parce qu’il y a des cas, qui ne sont pas portés à l’attention de la Justice. Il faut le comprendre parce que dans notre société, il y a ce qu’on appelle le «soutoureu», le «kerssa».
Un autre fait, c’est que si le présumé auteur est une personne qui a une certaine notoriété ou occupe un poste de responsabilité dans le pays, on a l’impression que la victime présumée devient coupable, dans le sens où elle est traînée dans la boue. Il y a eu l’affaire Sonko-Adji Sarr. Est-ce que ce genre de situation ne va pas freiner cette campagne de dénonciation ?
Je pense que c’est à cause de la manière dont on médiatise les affaires. Il ne faut jamais oublier que la fille, c’est une victime ou présumée victime. Dans tous les cas, le fait que la personne qui est accusée soit une personnalité, joue en défaveur de la victime. Alors qu’on doit se focaliser sur la présumée victime. Dans tous les cas, une personne ne doit pas être jetée en pâture. Cette situation peut être un frein, parce que cela peut pousser beaucoup de personnes à ne pas aller vers la Justice. Nous recevons des cas de viol où les personnes en face, sont des personnalités religieuses, étatiques ; à l’Ajs, ce qu’on met en avant, c’est la confidentialité. Et les procédures vont jusqu’au bout. Le fait de médiatiser l’affaire peut avoir des effets positifs mais aussi négatifs. Surtout avec les réseaux sociaux, où les gens ont la facilité de lyncher leurs semblables. Cela va avoir un impact psychologique sur la victime et ne va pas faciliter la dénonciation.
Dans l’affaire Adji Sarr-Sonko, il a été reproché aux organisations féministes, de n’avoir pas assez soutenu Adji Sarr comme elles le font souvent dans de pareils cas. Comment expliquez-vous cette prudence observée par l’Ajs dans cette affaire ?
Je ne dirais pas cela, parce qu’on a même signé une déclaration avec d’autres organisations. Peut-être que cette déclaration n’a pas été médiatisée, mais Adji Sarr comme toutes les victimes, on les reçoit à la Boutique de droit. On traite ce cas comme ceux des autres victimes. Dès que l’affaire est médiatisée, ça prend une autre tournure. Il ne faut pas oublier qu’il y a des victimes qui sont dans l’anonymat, différentes de Adji Sarr. Nous, membres de l’Ajs, ce n’est pas de notre faute et on ne peut pas y déroger. Quand on a des cas dans nos boutiques, on suit la procédure ; la victime, on la réfère à un médecin. On fait l’accompagnement judiciaire et le référencement avec les avocats. Mais, on ne peut pas pour une affaire pendante devant la Justice, donner notre avis. On a fait une déclaration, cela n’a pas été médiatisée, mais Adji Sarr a été soutenue comme les autres victimes.
Il y a aussi eu une autre affaire, celle de Miss Sénégal 2020, Fatima Dione, qui soutient qu’elle a été victime de viol suivi de grossesse. Est-ce que vous l’avez reçue au niveau de l’Ajs ?
Je ne peux pas répondre à cette question, parce que je n’ai pas demandé au niveau de nos boutiques de droit qui sont à Dakar et dans les régions. Si on l’avait reçue, on allait faire comme avec toutes les victimes qui viennent nous voir.
Quelles sont vos priorités pour 2022 ?
On a un nouveau plan quinquennal ou décennal qu’on doit faire, parce que l’ancien est arrivé à son terme en 2021. C’est la lutte contre les violences faites aux femmes, la vulgarisation des droits et surtout l’application de la loi criminalisant le viol et la pédophilie. On a tenu un panel de haut niveau pour l’application de cette loi et on va s’inscrire dans cette dynamique de vulgarisation des droits humains, en particulier les droits des femmes et enfants.
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