Exposition – Rétrospective Ibrahima Kébé : Hommage au «Peintre du quotidien»

Décédé en 2019, le peintre Ibrahima Kébé laisse à postérité une œuvre riche et puissante. Ses dernières œuvres ont été l’objet d’une exposition-vente par la Galerie Kemboury dans le cadre du Partcours 10. Occasion de revisiter l’œuvre de ce «Peintre du quotidien», comme le souligne le critique d’art Massamba Mbaye.

Par Mame Woury THIOUBOU – Jour de fête, préparation des repas, une grève des transporteurs, Borom Guinar, le vendeur de poulet, les scènes défilent sur les murs de la Galerie Kemboury au Point E. Les couleurs sont éclatantes. Les traits aussi incertains que ceux d’un dessin d’enfant. Mais c’est dans ce style naïf et figuratif que le défunt artiste Ibrahima Kebe a montré toute sa maîtrise technique. La petite foule, qui s’est déplacée pour le vernissage de l’exposition, en est la preuve. «Lorsqu’on a un certain âge et qu’on peint comme un enfant, ça recoupe un peu ce que disait un autre grand maître de la peinture sénégalaise, Iba Ndiaye. Il disait que peindre, c’est fondamentalement se souvenir. En fait, Ibrahima Kébé ne se souvient pas seulement dans l’approche thématique, il a gardé cette finesse et ce trait parfois moins assuré qu’un enfant pourrait porter sur son entourage et sur le monde», explique le critique d’art et commissaire d’exposition, Massamba Mbaye. Dans la foule venue rendre hommage au grand maître, des artistes, des amis mais aussi la famille du peintre. Son fils Moustapha garde le souvenir d’un père artiste avant tout. «Mon père était un artiste. Même sans peindre, il était un artiste et au Sénégal, cela veut dire qu’on est un marginal ou qu’on est marginalisé. Il avait une conception de la vie particulière. Peut-être qu’il comprenait les choses mieux que nous. En tout cas, c’était quelqu’un de carrément humaniste qui aimait les gens.»
Pour les dix ans du Partcours, la galerie Kemboury a décidé de rendre hommage à l’artiste. Ses dernières œuvres ont fait l’objet d’une exposition-vente avec la complicité de la famille. Pour la directrice de la galerie Kemboury, cette exposition a pour objectif «que les générations actuelles et futures se souviennent de lui». Né à Kaolack en 1955, Ibrahima Kébé avait réussi à se forger un style particulier et original. Dans une interview en 2002, il raconte comment il en est arrivé à peindre ces personnages aux longs cous. Au cours d’un workshop de deux semaines, Ibrahima Kébé est amené à utiliser du papier kraft, un support plus long que large. Ces personnages aux longs cous sont issus de cette expérience. «Le long cou est un signe d’élégance, de royauté, de noblesse… Ici, en Afrique,
l’individu aime se faire remarquer. L’individu mute en quelque sorte : il s’aménage un rôle, une personnalité faite d’apparences.
Mes personnages mutent ainsi, essayent d’acquérir des lettres de noblesse… C’est un discours sur le faux et le vrai chez l’être humain, à la noblesse que je mets en rapport avec la psychologie», explique-t-il. «Il peint des scènes de rue, d’intérieur. Mais au-delà, il a une profondeur psychologique sur ce que nous sommes, ce que nous sommes en train de devenir, les tares de notre société, les choses qu’on peut améliorer et les rapports avec les animaux», conforte le critique d’art Massamba Mbaye. Autre trait spécifique de l’artiste, son amour des animaux. «Son bestiaire est fabuleux. Au village des arts, il possédait une cohorte de chats qui sont restés jusqu’à présent», témoigne M. Mbaye. «Pas d’animaux à la maison parce que la maman était un peu réticente. Mais si ça ne dépendait que de mon père, on aurait accueilli tous les chats errants du quartier. D’autant qu’on habitait à Castors. Sa relation avec les animaux, c’était plutôt au Village des arts», indique Moustapha Kébé.

Exposition-hommage
Depuis la disparition de l’artiste, l’idée d’organiser une exposition-hommage trottait dans la tête de sa famille. L’idée de la directrice de la galerie Kem-boury, Mme Thérèse Diatta, est arrivée donc à point nommé. «On avait les moyens de faire cette exposition puisqu’on avait une centaine d’œuvres entre nos mains. Mais on voulait que le monde sache qu’il a légué au pays, au monde, quelques tableaux. Et il fallait avoir un galeriste, une personne de confiance qui avait les mêmes aspirations que nous», explique Moustapha Kébé. Si beaucoup d’amis du peintre ont manifesté un intérêt pour acquérir des toiles à travers le monde, pour la galeriste, il était également important que des Sénégalais puissent en acquérir. «Il a beaucoup d’acquéreurs à l’étranger qui sont venus de France, Belgique ou Italie. Mais j’aimerais que certaines de ses toiles restent au pays.» Venu représenter le ministre de la Culture, Habib Léon Ndiaye, le Secrétaire général du ministère, a salué l’humanisme de l’artiste.
mamewoury@lequotidien.sn

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