Pour contribuer à la reconstruction des mineurs en difficulté ou en conflit avec la loi, l’association Pour le sourire d’un enfant mise sur une approche singulière. En plus de l’accueil, elle initie une cinquantaine de pensionnaires à l’escrime.
Par Abdou Rahim KA (Envoyé spécial) – Les chants qui s’entendent de l’extérieur, la structure des constructions et leurs portes et fenêtres bleues, la grande cour et le sable fin qui la recouvre…, tout ici semble indiquer une école classique, normale. Cependant, ce site de l’association Pour le sourire d’un enfant se distingue nettement par le profil de ses pensionnaires et les disciplines et méthodes employées.
Les enfants qui sont ici ont presque tous connu des parcours sinueux. «Qu’ils nous viennent de la rue, du Tribunal, du Comité départemental de protection de l’enfance ou d’ailleurs, ils sont placés sous Ogpm (Ordonnance de garde provisoire pour mineur) de façon à ce que tout se passe en toute légalité», précise la directrice, Nelly Robin. L’objectif ici, pour elle, c’est de «reconstruire ces mineurs et (re) responsabiliser certains parents». C’est pourquoi des visites, recherches et soutiens aux familles sont régulièrement organisés. Une tâche ardue car, selon l’association, «à Thiès, moins de 40% des mineurs sont originaires de la région».
Sur la plateforme dédiée au sport, des chérubins, bien équipés, sont en pleine séance. Le wolof, le pulaar et le français se côtoient et se heurtent parfois comme les fleurets qui s’entrechoquent. Il faut par moment traduire. «Que celui qui est touché lève la main», rappelle régulièrement Habib Georges Badji, animateur et encadreur. Il a en charge aujourd’hui, les plus jeunes. «Nous travaillons actuellement sur l’assaut dirigé, qui permet de juger et développer la responsabilité de l’enfant. Nous leur demandons de lever la main à chaque fois qu’ils sont touchés par l’adversaire. Il faut beaucoup d’humilité et de responsabilité pour le faire et c’est ce que nous recherchons», explique-t-il entre deux rappels à l’ordre. Jacques Faye, encadreur aussi, travaille avec un autre groupe sur l’assaut arbitrage qui implique trois enfants : deux combattants et un autre qui arbitre. Le formateur souligne «qu’à cet âge, les enfants ont tendance à favoriser un ou quelques camarades au détriment des autres. Cet exercice permet de les initier à l’équité, la responsabilité et la communication».
Pour le sourire d’un enfant…
Cette façon de faire, suivant les explications de la présidente, est en réalité une reconduction -à quelques exceptions près- de la méthode Escrime et Justice réparatrice. Elle est employée ici à des fins préventives. L’objectif principal de Pour le sourire d’un enfant était de «lutter contre la récidive en faisant du temps de détention, un temps de reconstruction. Quand on est arrivé à la prison de Thiès en 1971, il y avait 80% de récidive parmi les mineurs. On a construit le premier quartier mineur en 1993. Au bout de 5 ans, il n’y avait plus que 20% de récidive», rappelle la directrice. Pour baisser le taux de récidive, qui restera longtemps plus tard plafonné à 16%, l’association, de concert avec des psychologues et professionnels du sport, mettra en place la méthode Escrime et Justice réparatrice. «Plus de 500 mineurs y ont participé, depuis 2015, zéro récidive», souligne la direction. Elle explique aussi que l’association, qui a aujourd’hui une trentaine d’années d’existence, prend en charge 350 à 400 enfants par jour dont des talibés, et intervient tous les jours à la Maison d’arrêt et de correction (Mac) de Thiès pour de l’alphabétisation et de l’accompagnement judiciaire notamment. Des mineurs en détention ont aussi périodiquement la possibilité de faire de l’escrime en extérieur. Pour le sourire d’un enfant, qui bénéficie d’un financement de 250 mille euros accordé par l’Agence française de développement (Afd), est là pour faciliter la réinsertion sociale et professionnelle des mineurs en difficulté ou en conflit avec la loi. Elle a comme perspectives, notamment de proposer une politique publique de la justice juvénile, pour plus de fluidité dans le traitement des affaires des mineurs, et une politique publique de la santé mentale de la jeunesse.
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