Plus loin avec… Me El Hadji Diouf, député d’alors et acteur des évènements du 23 juin : «Il n’y a pas d’héritage du 23 juin»
Racontez-nous le 23 juin 2011 en tant que député et acteur de cette journée historique ?
C’était une journée historique ! Le Président Abdoulaye Wade voulait instaurer un ticket présidentiel. Il s’agissait d’élire le Président avec un vice-président d’une part, et d’autre part, il fallait plus de 25% pour être élu président de la République. Donc c’était l’élimination du second tour. C’était aussi un moyen pour le Président Abdoulaye Wade d’avoir un 3ème mandat, parce que le Président sortant pouvait facilement avoir plus de 25%. La preuve, si ce projet de loi était adopté, le Président Wade serait passé lors de la Présidentielle de 2012 parce qu’il était devant lors du premier tour, avec ses 34%. Nous avons fait échec à cette réforme. Plus grave, le vice-président pouvait remplacer le Président en cas d’empêchement et pouvait nommer un autre vice-président qui n’est pas élu. Ce dernier pouvait aussi nommer un autre vice-président si le premier vice-président devenu Président était empêché. C’était une volonté de Wade d’être réélu facilement au premier tour et installer par la suite son vice-président. Nous avions rendez-vous avec l’histoire avec notre Peuple.
Mais qu’est-ce qui vous a marqué au cours de cette journée ?
Tôt le matin, nous avions reçu des consignes pour accéder à l’Assemblée nationale par derrière et non par le grand portail. Le Président Wade avait autorisé sur la même place, un rassemblement de la majorité pour approuver le projet de loi et un autre pour l’opposition. On devait être en face. Mais quand les opposants à la réforme sont venus, il n’y avait plus de place pour les partisans de la majorité. Quand nous sommes entrés, après la lecture du rapport de la Commission des lois, j’ai relevé des fautes pour gagner du temps. J’ai posé une question préalable. On l’a votée et la majorité l’a rejetée. J’ai ensuite enchaîné avec une question préjudicielle qu’on a étudiée. Là aussi, j’ai gagné un peu de temps. J’ai pris la parole pour dire pourquoi cette réforme était une catastrophe pour la démocratie de notre pays. Le vote était retransmis à la télévision, notamment sur la Rts. J’ai appris que des chancelleries étrangères avaient appelé pour demander la paix. Avec la pression populaire et mes interventions percutantes et pertinentes, le Président Wade a fini par appeler le ministre d’Etat, ministre de la Justice, Cheikh Tidiane Sy, pour retirer la loi. C’était la victoire du Peuple. Je suis devenu l’homme du 23 juin. A la fin, les députés, tous, avaient peur de sortir par le grand portail. Je suis sorti par là et on m’a porté en triomphe jusqu’à Sandaga. Nous avons marché jusqu’à la Pharmacie Guiguon et j’avais marché jusqu’au commissariat pour faire libérer un membre du mouvement Y’en a marre.
11 ans après, est ce que l’héritage du 23 juin se porte bien quand on voit le débat sur le troisième mandat ?
Le 3ème mandat n’a rien à voir avec le 23 juin. Après cette journée, le Président Wade a rencontré ses partisans au mois de juillet pour lancer sa candidature à la Présidentielle de 2012. Mais on lui a rappelé ses propos disant qu’il avait verrouillé la Constitution. C’est là qu’il a lancé son fameux : «Ma waxone waxeet.» C’est à partir de là qu’il y a eu la naissance du M23. Les leaders qui avaient combattu devant les grilles de l’Assemblée nationale avaient créé cette organisation. Au-delà de ma personne, je peux citer Moustapha Niasse, qui avait sa pierre à la Place Soweto, le regretté Ousmane Tanor Dieng, Abdou Latif Coulibaly, Amath Dansokho, le mouvement Y’en a marre… Les gens se retrouvaient chez Amath Dansokho et finalement, on se retrouvait à la Place de l’Obélisque. C’est ça qui a causé la mort de l’étudiant Mamadou Diop, qui était le muezzin lors de la prière du vendredi à la Place de l’Obélisque. Le M23 est né bien après le 23 juin. C’est une date historique comme l’Appel du 18 juin du Général de Gaulle. Il n’y a pas d’héritage du 23 juin ! C’est comme le jour de notre indépendance. C’était une victoire totale, historique et personne ne peut la salir. Les évènements se sont enchaînés jusqu’à la fin du régime de Wade. Ça n’a rien à voir avec les évènements actuels où un groupuscule veut déstabiliser le Sénégal, un symbole de tranquillité. Notre pays gagne des milliards et on lui fait confiance grâce à sa stabilité. C’est pourquoi on peut avoir le Ter, le Brt, le péage, le Stade Abdoulaye Wade, Dakar Arena, les nouvelles universités, les hôpitaux… Le Sénégal est en route vers l’émergence. Mais Sonko et compagnie sont des mercenaires à la solde de grands pétroliers pour contrôler notre pétrole et toutes les richesses du pays. Ce sont des voleurs qui crient au vol. Je loue la posture de Madiambal Diagne qui est engagé dans ce combat pour débusquer tous ces rebelles qui tentent de déstabiliser le Sénégal. Je mène le même combat pour que la paix règne au Sénégal.
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