Ses vidéos humoristiques lui ont apporté la notoriété. A la dernière Coupe d’Afrique des nations au Cameroun, Jaaw Ketchup était au cœur de l’évènement, invité qu’il était par l’instance dirigeante du football africain. Avec ses 1,5 million d’abonnés, il est l’un des plus grands succès des réseaux sociaux de ces dernières années. Aujourd’hui, c’est le cinéma qui cristallise ses rêves. Une reconversion qui se prépare.
D’où tenez-vous ce surnom de Jaaw Ketchup ?
C’est le surnom de mon jeune frère que je porte. Parce que je n’avais qu’un téléphone basique, j’utilisais le sien à chaque fois qu’il se rendait à l’école. Je n’avais pas de compte Facebook aussi, j’utilisais le sien. Au tout début, je n’utilisais pas beaucoup internet. C’est par hasard que j’ai posté une vidéo qui a fait tilt. Et je l’avais justement postée sur le compte de mon frère que j’ai fini par reprendre. Je suis devenu célébre sur les réseaux sociaux alors que je n’avais même pas de téléphone sophistiqué. J’avais un téléphone simple et basique. Le mien ne me permettait de me connecter à internet. A cette période, le football avait commencé à gâcher mes études. Et ma mère m’avait privé de beaucoup de choses. Après avoir été déclassé dans l’équipe sénior du Jaraaf de Dakar, on a voulu me prêter à Yeggo. J’ai refusé et j’ai boudé pour rester chez moi. Lorsque je restais à la maison, j’étais gagné par la solitude. Mon frère y laissait son téléphone puisqu’il n’avait pas le droit de l’amener à l’école. Je m’en servais. Contrairement à moi, mon jeune frère travaillait bien à l’école et se distinguait avec de très bonnes notes. C’est ce qui lui a valu le privilège de se faire acheter un téléphone. Je peux dire que j’ai eu ma chance à travers lui. Il m’a fait connaître du grand public.
Vous payez des droits d’auteur à votre frère ?
Mon jeune frère continue toujours de me faire un marquage à la culotte. Il ne me laisse pas un moment de répit. A chaque fois qu’il est au courant que j’ai de l’argent, il vient me réclamer sa commission, et je le fais. C’est normal du moment que c’est grâce à son téléphone que j’ai commencé à me faire connaître du grand public à partir de mars 2018.
Tout est parti d’une vidéo dites-vous ?
Ma notoriété a commencé à partir d’une vidéo réplique. Quelqu’un avait utilisé de gros mots et j’avais répliqué suite à cette sortie pour le recadrer à ma manière. Cette vidéo avait connu du succès et mon oncle Amadou Diop, qui vit en France, m’a envoyé un téléphone pour que je puisse continuer à faire mes vidéos. Je me rappelle qu’il m’avait envoyé un IPhone 6 qu’il utilisait avec un écran cassé que j’ai réparé ensuite. J’ai téléchargé l’application Viva vidéo avec laquelle je montais mes vidéos. Je me suis battu pour le meilleur humoriste en fin 2018, lors de la cérémonie des Calebasses de l’excellence, avant de devenir meilleur comédien et meilleur talent lors de la cérémonie des African talent Awards à Abidjan en 2020. C’est avec l’IPhone 6 que j’ai commencé à gagner tous ces prix. J’ai par la suite rendu à mon jeune frère, son téléphone, et j’ai continué à produire des vidéos en faisant focus sur l’actualité. Il faut dire que j’ai de qui tenir. Mon grand-père, Cheikh Tidiane Diop, fut le fondateur de la troupe Daraay Kocc.
Qu’est-ce qui explique votre absence sur les réseaux sociaux ces derniers temps ?
Ça fait un moment que je n’ai plus fait d’apparition sur les réseaux sociaux. Mais je rassure d’abord tout le monde, je me porte bien. Je suis tout simplement en train de réfléchir à des projets à mettre en place avant de réapparaître sur les réseaux sociaux. Cela ne tardera pas à se faire. Je compte reprendre les vidéos sous peu et revenir au-devant de la scène. Une carrière, ça s’évalue. On ne peut pas ne pas le faire une fois arrivé à un certain niveau. Il y a un moment où on doit revoir les choses, voir les points faibles sur lesquels on devrait agir et les points forts à consolider et renforcer, voir comment s’y prendre pour évoluer davantage. Mais déjà, j’ai été contacté par l’African League pour promouvoir le tournoi africain de la NBA de 2022 et la Fifa m’a choisi pour être un des 25 fan leaders mondiaux de la Coupe du monde en 2022. Les difficultés ne peuvent pas manquer. Cela relève de l’ordre normal des choses. Mais on travaille pour aller de l’avant.
En tant qu’influenceur, qu’est-ce que Tik Tok vous a permis de gagner ?
Tik Tok me permet d’avoir une plus grande communauté, mais ça ne me permet pas d’avoir de l’argent parce que Tik Tok n’est pas monétisé au Sénégal. Je ne suis pas trop Tik Tok parce que je n’y vois pas d’avantages sur le plan pécunier. Ce sont les autres plateformes sur les réseaux sociaux qui me permettent de gagner beaucoup d’argent à travers les publicités, les campagnes que je fais tous les trois mois et les contrats publicitaires. C’est ce qui nous permet d’avoir de petits revenus. Je ne saurais dire les raisons qui font que Tik Tok ne soit monétisé au Sénégal. Mais la manière avec laquelle Tik Tok est utilisé au Sénégal devrait pousser à sa monétisation au Sénégal.
Pouvoir n’avez-vous pas réussi à allier la culture au football ?
J’ai fait au Jaraaf toutes les catégories de cadet à sénior. Je dirais que la culture a pris le pas sur le sport chez moi. Au début, je voulais associer les deux mais je n’ai pas pu. Je m’entrainais en faisant mes vidéos. Le matin, lorsque je me rendais aux entraînements à 9 heures. Mais à 10 heures, j’étais assailli par les élèves qui sortaient en récréation. Ils venaient envahir le terrain et ça devenait très difficile. Les spectacles et les rendez-vous que je devais honorer dans le cadre de mes activités artistiques faisaient que je ne m’entraînais plus normalement. J’étais un couche-tard. J’ai dû me décider à continuer soit avec le football ou l’art. J’ai choisi de poursuivre avec l’art parce que j’ai senti que l’art m’a permis d’avoir une bonne entame dans ma carrière, une bonne lancée. Les gens commençaient à me connaître, je commençais à gagner en popularité, je me suis dit qu’il faille que je poursuive l’aventure avec l’art. Et j’ai arrêté mes études en classe de première.
En dehors d’être influenceur, avez-vous une autre profession ?
Produire des vidéos pour les poster sur les réseaux sociaux constitue le seul métier que je pratique. Je ne regrette rien, je remercie Dieu. Cela me permet de vivre de mon art. Je gagne de bons marchés, je m’en sors bien. Je ne me plains pas.
Parlez-nous de vos projets ?
J’aspire à autre chose. Je rêve de donner une autre tournure à ma carrière. Je rêve de faire du cinéma à l’avenir. Mon ambition c’est de jouer dans les grandes productions cinématographiques. Le cinéma doit parachever ce que je suis en train de faire actuellement. Mais je voudrais faire du cinéma à l’étranger, pas ici.
Par Amadou MBODJI – ambodji@lequotidien.sn
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