Relations Afrique-France : Abdoulaye Diop poursuit son show à Dakar

Ministre des Affaires étrangères du Mali, Abdoulaye Diop n’a pas été du tout tendre avec les Occidentaux, qui auraient une responsabilité dans l’instabilité qui règne dans le continent africain. Il participait hier au 8ème Forum sur paix et la sécurité de Dakar.

Par Aliou DIALLO – Il est connu pour son franc-parler. Quand Abdoulaye Diop, ministre malien des Affaires étrangères, parle des causes de l’insécurité en Afrique, il le dit sans diplomatie. Après son discours à la tribune des Nations unies (Onu), il a remis ça hier, lors du 8ème Forum paix et sécurité de Dakar. «Il faut que les ingérences dans les affaires intérieures des pays africains et des organisations régionales africaines cessent. Qu’on laisse les Africains travailler, renforcer leur solidarité, mutualiser leurs efforts, renforcer l’intégration régionale», peste le chef de la diplomatie malienne. Ce dernier estime que les considérations géopolitiques ne doivent pas primer sur la vie des populations. Il a pris part à la plénière sur le thème : «Coopé­ration entre l’Afrique et ses partenaires dans les domaines de la défense et de la sécurité», tenue au Centre international de conférences Abdou Diouf de Diamniadio (Cicad). «L’Afrique ne souhaite pas être un terrain de compétition pour quelque partenaire que ce soit. Je crois que chaque partenaire cherche son intérêt. L’Afrique n’est pas naïve, et c’est normal aussi que les partenaires cherchent leurs intérêts. Mais, il appartient aux Africains de pouvoir se positionner pour développer leurs pays et tirer profit de ces partenariats. Ce que nous souhaitons, c’est de ne pas être un terrain de jeu pour les uns et les autres», insiste Abdoulaye Diop.

Par ailleurs, le ministre malien des Affaires étrangères a dénoncé le peu d’engagement de la Communauté internationale qui est prompte à se mobiliser pour les autres. Mais pour l’Afrique, dit-il, les choses trainent à chaque fois. Il donne l’exemple du G5 Sahel, mis en place par le Mali, le Niger, le Tchad, la Mauritanie et le Burkina Faso. Il dit : «J’étais au G5 que le Mali a quitté. Nous y avons travaillé 6 ans pour mobiliser 423 millions d’euros pour financer la force conjointe. A ce jour, ce n’est pas un objectif atteint. Pour l’Ukraine, où on demande à l’Afrique de prendre position, en quelques jours, plus de 8 milliards de dollars ont été mobilisés. C’est la politique du deux poids deux mesures, parce que toutes les vies humaines se valent. Donc cette sélectivité dans le choix de la vie humaine n’est pas bonne, ce n’est pas acceptable.» Pour lui, l’Afrique est capable de gérer ses propres crises. Il montre ainsi la voie à suivre. «Que l’Afrique s’approprie ses problèmes. Même le fait que les autres s’ingèrent dans nos problèmes, c’est parce que nous les avons autorisés à s’ingérer dans les nôtres. Qu’on s’approprie avec une responsabilité. Nous devons pouvoir dire non quand un partenaire ne nous écoute pas», dit-il. Il reste également convaincu qu’avec la richesse dont elle dispose aujourd’hui, à savoir sa jeunesse, mais aussi ses ressources naturelles, l’Afrique est capable de résoudre quelque problème que ce soit sur la planète. Toutefois, Abdoulaye Diop admet que le continent a besoin de ses partenaires pour se développer, pour assurer sa sécurité. Mais, se désole le chef de la diplomatie malienne, certains partenaires du continent ont plus besoin de l’Afrique que l’Afrique n’a besoin de ces partenaires. Donc, il exhorte les dirigeants à garder la confiance en eux, en ayant conscience de leur responsabilité par rapport aux défaillances de l’Afrique pour pouvoir aussi apporter des réponses appropriées par rapport à ces questions.

Beaucoup pensent que les ressources naturelles constituent une source d’instabilité en Afrique. Pour le Malien, il faut changer le narratif. «Pourquoi nous n’arrivons pas à utiliser cela ?», se demande-t-il. Avant de trouver lui-même la réponse à la question. C’est parce que, argue Abdoulaye Diop, le continent a un héritage colonial et néocolonial dont il a du mal à se débarrasser. «Souvent des partenaires sont dans une posture coloniale, n’ont pas compris qu’il faut changer de logiciel pour travailler avec les Africains. Il faut venir en partenariat. Avant la souveraineté, l’Afrique demande la respectabilité, le respect. Il faut travailler avec les Africains dans la dignité», crache le chef de la diplomatie malienne. Dans un contexte où les relations entre la France et le Mali restent tendues depuis l’intervention du groupe russe, Wagner, il dit à qui veut l’entendre que le choix des partenaires est de la responsabilité des Africains. Il a en outre jeté un autre caillou dans le jardin du monde occidental. Il déclare : «Le terrorisme dans beaucoup de nos pays est en parti fabriqué. Je pense que ce n’est pas nouveau. Dans certains cas, l’extrémisme religieux peut conduire à ça. Mais je suis convaincu qu’il y a des phénomènes qui sont créés pour mettre l’Afrique en retard. Pour ne pas nous permettre d’exploiter nos ressources. De ne pas nous permettre d’avoir la paix et la stabilité qui nous permettent de nous unir en tant qu’Africains.»

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