Secouée par l’évasion de Mamadou Moustapha Diop, inculpé dans le meurtre de la Franco-sénégalaise Anne-Marie Rosalie Ngom, la Mac de Mbour ne répond pas aux normes. Nichée au cœur de la ville, elle fait souvent la Une de l’actualité avec des mouvements d’humeur des détenus.
Par Alioune Badara CISS – Tout le monde n’est pas «Boy Djinné», as des évasions. Mais, il y a des détenus qui ont les mêmes rêves que lui : s’échapper de prison. Depuis quelques jours, la Maison d’arrêt et de correction de Mbour est secouée par l’affaire Mamadou Moustapha Diop, inculpé dans le meurtre de la Franco-sénégalaise Anne-Marie Rosalie Ngom, tuée chez elle à la Somone. Il a pris la fuite en compagnie du sieur El Hadji Sarr.
Située au quartier Mbour Sérère Souf, la Mac est tristement célèbre à cause de ces nombreux cas d’évasion notés ces dernières années. Depuis trois ans et malgré le niveau de sécurité renforcé, les détenus parviennent toujours à se frayer un passage pour se fondre dans la nature. Pourtant, elle se trouve à proximité de la caserne des sapeurs-pompiers mais également du Marché central. Autant d’endroits animés qui entourent la Mac, mais qui n’empêchent pas des détenus de prendre chaque année la clef des champs.
Lors des émeutes de mars 2021, une mutinerie avait éclaté à la prison de Mbour, une quinzaine de détenus se sont évadés vers les coups de 17h. Il s’agissait des occupants de la chambre 8, réservée aux présumés grands bandits écroués pour de présumés actes criminels. Malgré les tirs de gardes pénitentiaires, ils n’avaient pas abdiqué et avaient réussi à disparaître dans la nature.
D’ailleurs, il a fallu un renfort des éléments de la Division des investigations criminelles (Dic) pour aider l’Administration pénitentiaire à retrouver les fugitifs. Et c’est au bout de 24 heures de traque et d’investigations que les flics ont débusqué 6 fugitifs, qui avaient trouvé refuge dans une école de la ville et n’attendaient qu’une opportunité pour disparaître. Suite à cette évasion, la prison avait fait peau neuve avec une augmentation de sa capacité d’accueil mais aussi de sa sécurité. Malgré ces mesures, il a fallu moins d’un an pour que cette Mac connaisse encore une autre évasion. Cette fois, il s’agit d’un individu placé sous mandat de dépôt pour viol et vol, et d’un second emprisonné pour meurtre. Mais le plus grave ? Le 1er octobre dernier vers 13 heures, il y a eu une évasion spectaculaire. Logés aux chambres 13 et 17, des détenus ont profité d’un moment d’inattention des matons pour escalader le mur de clôture.
En guise de représailles, l’Administration pénitentiaire avait refusé d’ouvrir les cellules afin d’accorder aux détenus leur heure de détente, qui va de 9h à 17h 30. Même les repas étaient servis en interne. Une décision qui a amené les détenus à déclencher une grève de la faim pour protester contre la décision de l’Administration pénitentiaire.
Ils avaient aussi à leur tour refusé de s’alimenter pour protester contre les longues détentions préventives car la Chambre criminelle du Tribunal de Mbour, ouverte récemment, ne se penchait que sur des dossiers de 2020 et 2021. Alors que des affaires datant de 2018 par exemple étaient en souffrance dans les cabinets.
Toutefois, tous ces cas d’évasion ne sont pas anodins. «La Mac de Mbour n’est pas dans un lieu adapté, car cette prison, en plus du non-respect des normes, est construite à côté d’un marché, facilitant la tâche aux détenus une fois dehors.» A l’en croire, cette prison n’est pas aux normes au niveau de «certains aspects sécuritaires», note un responsable de l’Administration pénitentiaire. Il en veut pour preuve la méthode utilisée par Mouhamadou Moustapha Diop et El Hadji Sarr pour s’échapper. «Ces derniers ont superposé des bidons de 20 litres pour avoir accès à l’aération afin de descendre dans la cour semi-ronde, avant d’escalader le mur, qui n’est pas trop grand, pour se sauver. Tout le contraire de la prison de Rebeuss, où il est impossible d’escalader le mur», poursuit-il.
Par ailleurs, il a également souligné la surpopulation dans la Mac. «Ce surnombre dû à la présence du Tribunal de Grande instance de Mbour, qui fait que tous les dossiers sont traités à Mbour et les personnes écrouées purgent leur peine dans cette localité», enchaîne-t-il. Pour un autre maton, il y a une certaine marge de liberté accordée aux détenus. Quid du volume de travail des gardes pénitentiaires ? «Leur rythme de travail est énorme, ils font 24h, après avoir eu 24h de repos. Mais, durant ce temps de repos, c’est aussi le moment où ils doivent vaquer à leurs activités. Ce qui fait qu’ils reviennent au travail toujours fatigués. Comment cette personne peut faire correctement la ronde ? L’insécurité dans les prisons, c’est de 2h à 5h, il faut être concentré et faire des rondes toutes les 15 mn, mais un garde qui n’a pas la tête sur les épaules, car submergés par beaucoup de problèmes, ne peut pas faire correctement le travail», déplore un autre garde pénitentiaire.
abciss@lequotidien.sn
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