Tension politique, réformes institutionnelles, indépendance de la Justice… : L’ordonnance du juge Ibrahima Dème
«Il y a cinq ans, jour pour jour, je démissionnais de la magistrature pour dénoncer l’instrumentalisation de la Justice par l’Exécutif. Depuis lors, il est regrettable de constater que la situation de la Justice ne s’est guère améliorée.» La remarque émane du juge Ibrahima Hamidou Dème, président du parti Etic (Ensemble pour le travail, l’intégrité et la citoyenneté). A travers un point de presse tenu ce dimanche 26 mars 2023, à Thiès, le magistrat souligne que «la responsabilité incombe d’abord au président de la République qui a l’obligation constitutionnelle de garantir l’indépendance de la Justice, mais aussi à la hiérarchie qui n’a pas su préserver l’héritage d’une longue culture d’indépendance».
Par Cheikh CAMARA – L’avocat auprès de la Cour pénale internationale (Cpi) considère que «la conséquence est que la Justice est toujours contestée, voire maintenant discréditée». Il souligne que «l’actualité judiciaire à laquelle nous sommes en train d’assister montre encore un usage excessif et inopportun des poursuites pénales et de la détention dans certaines affaires à connotation politique. Cela renforce le sentiment de la dépendance de la Justice au pouvoir politique». Aussi de rappeler que «la Justice doit non seulement être indépendante de tout autre pouvoir, mais elle doit surtout paraître indépendante. C’est une exigence pour que la Justice retrouve la confiance des justiciables afin de s’exercer avec l’autorité et la crédibilité nécessaires pour la pérennité de l’Etat de Droit».
Le juge Ibrahima Hamidou Dème souligne que «le combat pour l’indépendance de la Justice, essentiel pour la survie de notre démocratie, doit concerner tous les citoyens. En effet, chaque membre de la collectivité doit prendre conscience de l’importance de la Justice, car si elle ne joue pas convenablement son rôle de régulateur social, son rôle d’arbitre impartial à l’égard de tous les justiciables, qu’ils soient demandeurs ou défendeurs, parties civiles ou prévenus, il n’y aura pas de liberté, pas d’équité, ni de démocratie ni de paix sociale». C’est la raison pour laquelle, pense-t-il, «il est essentiel, surtout en perspective de la prochaine élection présidentielle, d’en faire un sujet prioritaire par rapport aux réformes à entreprendre». Et de poursuivre : «Les états généraux de la Justice, qui devront regrouper tous les corps judiciaires et toutes les forces vives de la Nation, sont devenus une impérieuse nécessité pour la survie de notre Etat de Droit et de notre société. Il n’y a aucune alternative à la Justice. L’alternative à la Justice c’est le chaos. Que Dieu nous en préserve.»
Par rapport à l’actualité politique et sociale à laquelle le Sénégal assiste ces dernières semaines, le président du parti Etic (Ensemble pour le travail, l’intégrité et la citoyenneté) de souligner : «Si nous regardons en effet la situation du pays avec lucidité, on peut constater que l’histoire est en train de se répéter sous nos yeux et personne ne semble y prêter attention.» Et à dix mois de l’élection présidentielle, il regrette de constater que «le pays et notre démocratie sont pris en otage par des hommes politiques de tous bords».
Le juge Dème fait remarquer qu’«en effet, la violence d’Etat, les confrontations physiques, les invectives et autres violences verbales règnent actuellement dans le champ politique. Malheureusement, des combats de rue ont encore pris le dessus sur l’instauration d’un débat serein sur les réformes politiques et institutionnelles qu’on devrait adopter pour sortir du cercle vicieux de la politique politicienne et de la mauvaise gouvernance». Et surtout de marteler : «la violence est inacceptable d’où qu’elle vienne. Nous ne sommes pas d’accord et nous ne serons jamais d’accord avec la violence. Face à la remise en cause de notre contrat social, de la stabilité nationale, face à l’effritement de notre démocratie et de nos institutions, il faut certes une résistance pour préserver notre République». Mais, estime le magistrat, «ce sursaut de refus ne doit pas être synonyme de violence. On ne doit pas soigner un mal par le mal».
«Une troisième candidature de Macky est moralement inadmissible»
Par rapport à l’élection présidentielle de 2024, le président du parti Etic (Ensemble pour le travail, l’intégrité et la citoyenneté) d’affirmer solennellement qu’«une troisième candidature du Président Macky Sall est inacceptable, parce qu’elle est illégitime et moralement inadmissible».
Et M. Dème de rappeler aussi : «L’esprit de la Constitution a toujours été en effet, depuis l’adoption de la Constitution de 2001, de limiter le nombre de mandats consécutifs à deux. Ce consensus, qui est un gage de vitalité démocratique et de bonne gouvernance, ne doit être remis en cause par aucune manœuvre politicienne.» Il dit avoir, depuis 2019, tiré la sonnette d’alarme sur «les risques d’une tentative de troisième mandat contre laquelle doivent se dresser toutes les forces vives de la Nation». Le juge Dème ne manque pas de rappeler que «les conclusions des Assises nationales sont plus que d’actualité pour opérer les réformes nécessaires afin de parvenir aux ruptures vertueuses que le Peuple mérite».
Correspondant
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