Par Hamidou ANNE – Aucune cause ne justifie le massacre de civils, femmes et enfants, sans défense, de surcroît en filmant les scènes d’horreur afin de les relayer quasiment en direct. Parmi les victimes du Hamas, de nombreux militants de la paix, de jeunes progressistes voire des gauchistes dont les ennemis sont Benjamin Netanyahu, son gouvernement dans lequel figurent des ministres fascistes et sa politique d’extrême-droite, attentatoire à la démocratie israélienne, à l’Etat de Droit et à la dignité des Palestiniens. Le Hamas est un mouvement intégriste dont l’ampleur des crimes sur des Israéliens et des Palestiniens est largement documentée. Ce mouvement gouverne dans l’extrémisme et torpille depuis sa création toutes les manœuvres pour la paix.
Le Hamas et le gouvernement de Netanyahu sont dans une large mesure les deux faces d’une même médaille extrémiste. Ce qui caractérise l’impasse actuelle, c’est qu’à Gaza et en Israël ce sont des adversaires du processus d’Oslo qui sont au pouvoir, avec la même rengaine guerrière et la même obsession religieuse et identitaire. A la différence que nul n’enlèvera le fait qu’il y a d’un côté un occupant fort, surarmé qui viole toutes les règles du Droit international et un Peuple opprimé, humilié, qui risque désormais le nettoyage ethnique.
Ce que révèle d’abord cette crise, au-delà du bruit médiatique et surtout de l’hypocrisie occidentale, c’est que la guerre n’a pas commencé le 7 octobre quand des centaines de civils israéliens sont tués et quand Israël, puissance militaire, découvre qu’elle n’est ni invulnérable ni invincible. Sans hiérarchiser la douleur, car toute mort est de trop, les enfants palestiniens meurent sous les bombes et sous les balles de Tsahal et des colons depuis des décennies sans que cela n’émeuve grand monde.
Ensuite, cette crise est un rappel tragique sur le fait que les Palestiniens existent. Quand on enferme 2 millions de personnes dans un enclos pendant 16 ans, en les humiliant et en les affamant, il ne faut pas être surpris de voir leur haine exploser ; cette haine qui surgit de la racine de leur souffrance.
Les démocraties occidentales ont soutenu politiquement et même militairement les Ukrainiens agressés par la Russie. Pour la Palestine, le deux poids deux mesures est de mise, avec un silence coupable sur la politique israélienne qui ignore toutes les condamnations aux Nations unies.
Ghassan Salamé, sur la chaîne TV5, rappelle que Netanyahu depuis 15 ans a fait le choix de jouer la carte du Hamas. Après le retrait de Gaza en 2005 suivi du blocus en 2007, Israël met en œuvre une politique du fait accompli qui passe par les axes suivants : décrédibiliser le Fatah et l’Autorité palestinienne du président Abass, soutenir la montée en puissance du Hamas, notamment en incitant sa perfusion financière, diviser les Palestiniens et entériner l’impossibilité de la création d’un Etat Palestinien.
Netanyahu, en misant aussi sur les Accords d’Abraham, qui consistent à normaliser les relations de l’Etat hébreu avec les pays arabes, souhaitait contourner le drame palestinien au nom du business et des subsides politiques.
L’idée était de faire disparaître le dossier palestinien, maintenir Gaza sous blocus, poursuivre la colonisation en Cisjordanie et enterrer définitivement toute solution à deux Etats.
Le piège s’est refermé sur lui, car de manière tragique les Palestiniens rappellent au monde leur existence. Yasser Abed Rabbo, leader de l’Olp, en 2010, affirmait : «Nous n’allons pas nous évaporer.» Les Palestiniens ne se résigneront pas. Ils ne partiront pas, car ils n’ont pas où aller. Ils ne tomberont pas tous sous les balles israéliennes. Ils peuvent en revanche, avec l’aide de la Communauté internationale, se choisir des dirigeants crédibles et faire la paix, car ils n’ont pas le choix. Les Israéliens non plus. Il est illusoire voire stupide de croire qu’Israël peut être en sécurité à côté d’un Peuple humilié, qui vit dans des confettis divisés, isolés les uns des autres, sous un commandement bicéphale dont les leaders se haïssent et n’hésitent pas à se tirer dessus (ce fut le cas en 2007 quand le Hamas a chassé le Fatah de Gaza pour en prendre seul le contrôle).
Israël ne peut être une démocratie dans laquelle les citoyens sont souverains sur leurs choix politiques et en même temps assimiler tous les Palestiniens au Hamas. Les bébés palestiniens bombardés ne sont pas affiliés au Hamas comme ceux morts dans les kibboutzim n’ont aucun lien formel avec le Likoud.
Les Gazaouis ont droit à la vie dans la dignité qu’on leur enlève depuis seize ans par un blocus inhumain et illégal. Qu’est-ce que Gaza ? Une bande de terre de 360 km2 dans laquelle vivent 2, 2 millions de personnes. L’âge médian dans l’enclave est de 18 ans, le taux de pauvreté y est de 53%, et 80% des habitants vivent grâce à l’aide alimentaire internationale.
C’est le territoire le plus densément peuplé au monde. L’électricité y est rationnée entre 3 et 5h par jour. Et l’eau potable n’y existe pas. Il n’y a à Gaza ni port ni aéroport, et les seuls avions que les Gazaouis voient sont ceux qui les bombardent, tuent leurs frères et sœurs et détruisent leurs maisons. Le territoire est une prison à ciel ouvert avec trois points de passage que des centaines de milliers de gens n’ont jamais franchi de leur vie.
Et Israël vient de déclarer l’état de siège : sans nourriture, sans eau, sans électricité ni carburant. Yoav Galant, le ministre de la Défense israélien, a traité les Gazaouis d’«animaux». Le vocabulaire bestial, l’état de siège en violation du Droit international et les frappes massives sur des civils sont une énième entreprise de déshumanisation des Palestiniens, qui sont déjà victimes des agissements criminels du Hamas et de l’impuissance de l’Autorité palestinienne. Dans les médias, on continue d’invisibiliser les victimes d’un bord du mur, comme si leur vie valait moins que celle des autres. Les morts de Gaza ne sont pas nommés, ils sont anonymisés. Or, ils ont des noms, des visages, des histoires et des familles. Il faut que les médias occidentaux, si prompts à donner la parole à des racistes et des va-t-en-guerre de tous ordres montrent aussi le drame humanitaire de Gaza et donnent la parole aux concernés.
Les Palestiniens sont victimes d’un système d’«apartheid». Les Ong B’Tselem, Human Rights Watch, Amnesty International, de même que l’ancien chef du Mossad, Tamir Pardo, ont tous osé le mot apartheid. Le Peuple palestinien ne doit pas en plus payer pour la dangerosité des dirigeants du Hamas qui, faut-il le rappeler, règnent sans aucune légitimité démocratique, comme les civils israéliens ne peuvent payer pour l’extrémisme de leurs leaders. Comme enfin certains pays Européens, tiraillés par un passé trouble avec l’antisémitisme, ne doivent pas, au nom d’une conscience coupable, soutenir de manière inconditionnelle Israël et cautionner la commission de crimes de guerre voire de crimes contre l’humanité.
Suivant le poète allemand Hölderlin, «Là où croit le péril, croit aussi ce qui sauve». La guerre aura une fin, comme toutes celles qui l’ont précédée. La solution ne peut être que politique avec l’existence de deux Etats côte-à-côte dans les frontières de 1967, que même le Hamas -organisation extrémiste dangereuse faut-il insister- accepte depuis sa charte amendée de 2017.
Mais cela passe par un certain nombre de préalables dont l’isolement de tous les adversaires, dans les deux camps, des Accords d’Oslo : le Hamas côté palestinien, et, côté israélien, Netanyahu et ses alliés ouvertement violents et racistes. Il faut préciser que dans le gouvernement israélien siègent des ministres suprémacistes dont Bezalel Smotrich (Finances) et Itamar Ben-Gvir (Sécurité), qui ont à plusieurs reprises appelé à l’épuration des Palestiniens. Ensuite, il serait opportun de réhabiliter une Autorité palestinienne démonétisée et lui faire recouvrer une centralité perdue. Cette revitalisation passera peut-être par un geste historique et courageux d’Israël en faisant sortir de prison Marwan Barghouti, leader charismatique, respecté par toutes les parties, qui croupit dans les geôles israéliennes depuis vingt-ans. Lui a le pouvoir de fédérer le Peuple palestinien et d’être un interlocuteur crédible pour la relance du processus de paix.
Les Etats-Unis ont montré qu’ils n’étaient plus trop soucieux du sort des Palestiniens. Les Européens financent des projets, mais n’ont aucun poids politique. Les Etats arabes ne font plus de la question palestinienne une priorité malgré des déclarations d’intention plus ou moins vives. Est-ce le temps d’une solution africaine ? Le Sénégal a un rôle à jouer dans cette crise, de par son histoire aux côtés du Peuple palestinien, la crédibilité de sa voix diplomatique sur ce dossier et ses relations bilatérales solides avec Israël. Arafat a voyagé avec un passeport diplomatique sénégalais. Notre pays préside depuis 1975 à l’Onu, le Comité pour l’exercice des droits inaliénables du Peuple palestinien. Nous accueillons une ambassade israélienne à Dakar. Peut-être le temps de la solution africaine aux crises du monde ? Peut-être l’ultime chantier diplomatique de la Présidence Sall ?
hamidou.anne@lequotidien.sn
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