L’ancien édile de la ville de Dakar, Khalifa Ababacar Sall, a annoncé accepter de prendre part au dialogue politique appelé par le Président Macky Sall. En posant un tel acte, il semble prendre ses distances de ses alliés de la Coalition électorale Yewwi askan wi (Yaw) et du nouveau cadre politique de l’opposition, le F24. On observe déjà qu’il fait l’objet de toutes les attaques de la part de ses amis de l’opposition, mais la décision de Khalifa Sall de saisir la main tendue par le chef de l’Etat semble irréversible. Les effusions auxquelles le public a assisté la semaine dernière entre le Président Macky Sall et Khalifa Sall, ainsi que le maire de Dakar, Barthélemy Dias, à l’occasion d’une rencontre internationale au Grand Théâtre Doudou Ndiaye Coumba Rose, renseignent sur leur nouvel état d’esprit. Khalifa Sall est conforté dans cette posture d’ouverture ou de dépassement par l’acceptation, tout aussi spontanée, par le Parti démocratique sénégalais (Pds) de Me Abdoulaye Wade, d’aller à la table du dialogue. Assurément, Karim Wade et Khalifa Sall ont tout à gagner en adhérant à ce processus. L’opportunité pourra ainsi leur être donnée de discuter des conditions leur permettant de recouvrer leur éligibilité compromise par des condamnations judiciaires. Ont-ils finalement compris que sur ce point, ils n’ont pas toujours les mêmes intérêts que leurs autres alliés politiques de l’opposition ? (Voir nos chroniques du 14 décembre 2020 : «Alliance avec Sonko, Khalifa perdant à tous les coups» et du 25 octobre 2021 : «Les dindes et dindons de Pastef»). En effet, aussi longtemps qu’ils continueront de faire la fine bouche, ils resteront au bord de la route, à voir les caravanes électorales passer et ne pourront donc que se résoudre à voter et faire voter pour d’autres. On ne peut pas croire que ce puisse être le dessein ou l’ambition d’un homme politique !
De toute façon, Karim Wade et Khalifa Sall semblent avoir fini par réaliser la duplicité de leurs amis de l’opposition qui ne peuvent même pas cacher leur courroux devant l’éventualité de les voir revenir dans la compétition électorale. C’est ainsi qu’il est fort à craindre par exemple que le prochain dialogue politique ne trouve pas un consensus autour d’un projet d’amnistie agité par le Président Sall et qui devrait par exemple permettre à Karim Wade et Khalifa Sall de retrouver leur éligibilité perdue. Idrissa Seck du parti Rewmi, soutenu par le camp de Khalifa Sall à l’élection présidentielle de 2019, a annoncé la couleur, refusant tout compromis politique avec «des voleurs de deniers politiques». Cette infamie ne l’avait pourtant pas empêché de former une coalition électorale, Idy2019, avec Khalifa Sall. Aussi, des membres du F24, qui prétendent refuser de prendre part au dialogue et qui se feront fort de rejeter ses conclusions qui ne les auraient pas arrangés, pourront toujours trouver des porte-voix, notamment quelques acteurs de la Société civile, pour faire des objections quant à une idée d’amnistie. On a mesuré la gêne ou l’embarras de la Société civile depuis que le F24 a indiqué ne pas vouloir participer au dialogue, alors que des franges de la Société civile pressaient le Président Sall à engager un dialogue inclusif. Pour s’aligner et faire bonne figure, iront-ils jusqu’à poser à nouveau l’indécente proposition d’enterrer les dossiers judiciaires de Ousmane Sonko et de passer par pertes et profits tous ses torts et méfaits contre des personnes, et contre les institutions de l’Etat et contre la paix civile ? En outre, il apparaitra assez incohérent de la part d’une certaine Société civile, qui préconise une traque systématique des prévaricateurs de ressources publiques, de se mettre à cautionner une amnistie d’infractions du genre. C’est dire que pour décrocher une amnistie, Khalifa Sall et Karim Wade ne trouveraient que Macky Sall comme allié.
Au demeurant, en acceptant de changer de stratégie pour aller renouer le dialogue politique, le Pds et Taxawu Senegaal semblent se «libérer» d’une certaine emprise de Ousmane Sonko. Le leader du parti Pastef a jusqu’ici donné le la au pouvoir et a conduit toutes les postures d’opposition farouche parfois violente, quitte à verser dans une certaine forme de nihilisme. Le Pds et Taxawu Senegaal retrouvent donc la pratique politique conventionnelle au Sénégal, qui a toujours consisté à établir des plages de discussion et de convergence entre pouvoir et opposition. Les présidents Senghor, Abdou Diouf et Abdoulaye Wade, en dépit de querelles et bisbilles inhérentes à la vie politique, avaient toujours réussi à discuter et entretenir des relations cordiales avec leurs opposants. Macky Sall aussi s’y évertue et avait initié des dialogues politiques conduits par l’ancien ambassadeur Seydou Nourou Ba, ou le Président Amadou Makhtar Mbow ou encore le Général Mamadou Niang ou encore le Pr Boubacar Kanté. Macky Sall ouvre régulièrement ses gouvernements à des personnalités de l’opposition. La dynamique de discussion avec l’opposition a pu coincer avec l’irruption sur la scène de Ousmane Sonko et ses sbires qui ont renversé la table et qui ont voulu exercer une terreur sur tout le monde par l’injure, la menace, l’intimidation et les violences physiques.
Le Pds et Khalifa Sall ont-ils conjugué Ousmane Sonko au passé pour qu’il ne les gêne plus dans leur volonté de rapprochement avec le pouvoir ? Ousmane Sonko semble tomber en désuétude comme une bouée devenue inutile. En effet, son sort personnel, qui a constitué le nœud gordien pour ne pas dire l’obstacle qui a pu boucher les passerelles, semble être en voie d’être définitivement scellé avec les nombreuses procédures judiciaires qui lui pendent sur la tête. Il ne reste autour de Ousmane Sonko que la dernière venue dans les rangs de l’opposition, en l’occurrence Mme Aminata Touré. Espère-t-elle se disputer l’héritage politique de Ousmane Sonko ou ses restes avec les Déthié Fall, Malick Gakou ou tel ou tel responsable politique membre du parti Pastef ?
Sur quoi le dialogue pourra-t-il s’entendre ?
Il reste que le consensus, qui sera facilement trouvé par les acteurs du dialogue, tiendra à des mesures tendant à assouplir les règles du parrainage citoyen aux élections nationales. Le filtre du parrainage citoyen, instauré en 2018 après l’évaluation des élections de 2017, a bien permis de réduire, de manière drastique, à cinq, le nombre des candidats à l’élection présidentielle de 2019. On se rappelle que 47 listes de candidatures avaient été déposées aux élections législatives de 2017, provoquant un véritable tohu-bohu dans l’organisation du scrutin. Aux élections législatives du 23 janvier 2022, huit listes avaient pu concourir, à force de coalitions et de regroupements. La leçon de l’histoire est que l’allégement des conditions du parrainage permettra indubitablement une participation plus diversifiée à la prochaine Présidentielle. Sur ce point également, l’opposition ne devrait pas se plaindre de sa propre turpitude. Elle avait refusé farouchement de discuter des règles du parrainage, et ses députés en étaient même arrivés à bouder la séance du 19 avril 2018, au moment du vote de la loi instituant le parrainage citoyen. C’était de guerre lasse que le président du groupe parlementaire de la majorité Benno bokk yaakaar, Aymerou Gning, avait endossé un amendement du projet de loi pour faire baisser le taux de parrainage initialement fixé à un minimum de 1% du corps électoral, à un minimum de 0, 8% pour la Présidentielle et 0, 5% pour les élections législatives. Il n’y a pas doute que n’eût été cet amendement, moins de cinq candidats auraient été qualifiés pour l’élection présidentielle de 2019. A l’opposé, on peut augurer que si l’opposition avait participé activement aux discussions parlementaires, le taux de parrainage aurait pu encore baisser. Le dialogue pourra permettre de baisser davantage le seuil de qualification. Seulement, l’opposition radicale tend à poursuivre sa logique jusqu’à refuser l’invitation faite par le Président Sall d’évaluer l’élection présidentielle de 2019 ou les élections locales et législatives de 2022. Aujourd’hui, le Pds et le groupe And Taxawu Senegaal reviennent autour de la table. On ne voit pas Idrissa Seck et sa coalition Idy2024 ne pas faire la même chose. En d’autres termes, l’assouplissement des conditions du parrainage ne devrait pas trop diviser les débats. De toute façon, les adversaires de Macky Sall auront fini d’apprendre que leur boycott, leur refus du dialogue ou leur opposition bruyante et parfois grégaire ne les a pas pour autant empêchés de se conformer à la loi sur le parrainage pour pouvoir satisfaire aux conditions et ainsi participer aux élections. Tant pis, Macky Sall dialoguera avec ceux qui le voudront bien ! Il n’en demeure pas moins que le filtre pour une élection comme la Présidentielle semble bien nécessaire, quand on voit déjà le foisonnement de multiples candidatures, les unes plus farfelues que les autres, en direction de la Présidentielle de 2024.
L’occasion de corriger l’anachronisme de la pléthore de députés de la diaspora
La question de la participation des Sénégalais de l’extérieur aux élections législatives devrait être inscrite au menu du dialogue politique. Il est aberrant de continuer de réserver quelque 15 postes de députés élus sur des listes majoritaires pour un nombre total d’électeurs inférieur au quotient électoral national pour élire un seul député sur la liste nationale ou encore que ce nombre d’électeurs reste inférieur à celui de la plus petite circonscription électorale du pays (voir notre chronique du 14 février 2022 : «Réduire le nombre de députés de la diaspora»). L’Assemblée nationale sénégalaise compte 165 députés. A titre de comparaison, en France, seuls 11 députés sont élus sur un scrutin majoritaire à deux tours, à raison d’un député par circonscription. L’Assemblée nationale française compte au total 577 députés. Nous alertions sur la perspective d’un anachronisme que ces nombreux députés ne seront pas légitimement élus, comparés à leurs collègues issus des autres circonscriptions électorales, et que le poids des députés de la diaspora risquait de fausser la future représentation à l’Assemblée nationale. Nous ne savions pas si bien dire et les chiffres nous confortent aisément. Aujourd’hui, force est de dire que la configuration de l’Assemblée nationale serait bien différente avec une autre clé de répartition des sièges des députés élus par la diaspora ou avec un nombre plus réduit. L’Inter-coalition de l’opposition Yewwi-Wallu a raflé 10 sièges sur les 15, avec des suffrages qui restent inférieurs à ceux réalisés par Bby dans chacune des circonscriptions d’Afrique de l’Ouest (3 députés) ou d’Afrique Centrale (2 députés). Les chiffres parlent. En Afrique Australe, la Coalition Yewwi askan wi, avec 905 petites voix obtenues sur un total de 1546 votants, a remporté le siège de député en jeu pour cette circonscription. L’île de Gorée représente plus d’électeurs que cette circonscription.
Les résultats des élections législatives proclamés par la Commission départementale de recensement des votes dans le département de l’Europe Ouest –Centre-Nord classent la Coalition Yaw vainqueur. Sur 18 167 votants dont 120 bulletins nuls, la Coalition Yaw a réussi à cumuler les 10 163 voix devant la Coalition Bby qui en a obtenu 6471 voix, suivie de la grande Coalition Wallu Senegaal avec 547 voix. Six députés ont ainsi été élus pour les deux circonscriptions d’Europe, à raison de 3 par circonscription.
Dans le département Amérique et Océanie, la Coalition Yaw a gagné avec un total de 4152 voix. Elle est suivie de la Coalition Bby avec 869 voix, suivie de la grande Coalition Wallu Senegaal. Yaw a ainsi gagné un député avec un électorat équivalent à celui du village de Peckesse.
Les résultats de l’Afrique de l’Ouest ont donné la Coalition Bby victorieuse dans cette partie du continent. Sur un total de 14 157 votants, la coalition majoritaire a obtenu 7318 voix devant la Coalition Yaw qui a cumulé 5314 voix. La grande Coalition Wallu Senegaal arrive en 3ème position avec 883 voix, suivie des Serviteurs Mpr avec 300 voix.
Les résultats des élections législatives dans le département de l’Afrique Centrale ont renseigné de la victoire de la Coalition Bby. Sur 11 029 votants, la Coalition Bby a obtenu 8029 voix devant la grande Coalition Wallu Senegaal qui a cumulé 2093 voix et la Coalition Yaw avec ses 554 voix. Sur 31 447 inscrits dans ce département de l’Afrique du Centre, le nombre de suffrages exprimés a plafonné à 10 939 voix.
La question de la candidature de Macky Sall et l’indépendance de la Justice
Les acteurs politiques qui refusent de répondre à l’appel au dialogue justifient leur position par des exigences préjudicielles, notamment d’une renonciation expresse et sans équivoque de Macky Sall à une nouvelle candidature à la Présidentielle. C’est un truisme que de dire que c’est une exigence impossible car le chef de l’Etat ne saurait se faire dicter une conduite, encore que la validité des candidatures à des élections soit du ressort exclusif des institutions judiciaires. On ne voit pas la majorité au pouvoir accepter de discuter d’une telle question. En revanche, il sera de bon ton d’exhorter la classe politique à un meilleur respect des institutions républicaines comme la Justice, l’Armée, la police et l’Administration publique. Des résolutions allant dans ce sens sonneront fatalement comme des désaveux pour les attitudes et autres déclarations de Ousmane Sonko.
Par Madiambal DIAGNE – mdiagne@lequotidien.sn
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